L’anondin e-flyer que l’on rapporte chez soi peut se révéler plein de qualités inattendues… Ce petit document que l’on vous tend à la sortie du métro, que vous trouvez à votre place de restaurant ou que l’on glisse dans votre boîte à lettres, pour ceux qui en possèdent une encore, a suivi de très près les évolutions de la technologie, des comportements et modes de consommation.
Le e-flyer, dernier avatar du prospectus publicitaire, est, à n’en pas douter, un outil de marketing du XXIe siècle, beau, moderne, attractif…les plus grands graphistes se sont essayés à cet exercice de style. Il essaye surtout de se démarquer du marketing invisible par ICIC, « identification et ciblage des individus dans leurs circulation au sein de la cité » (définition du LOL, Larousse en ligne). Les citoyens pour lesquels la rue est et doit rester un lieu de liberté, refusent en nombre toujours plus important d’être les cibles de décryptage de leurs comportements. Il suffit de voir le succès de ces petits articles de mode doté de dispositifs « anti-RFID » pour s’en convaincre : on a beau être de son temps, on en apprécie encore mieux ses instants d’anonymat numérique.
Mais, hélas, le marketing a trouvé la parade avec le e-flyer (vous noterez que les professionnels de la communication qui font appel au e-flyer le nomme « flyer », l’ablation du « e », pour électronique, tentant de faire oublier les capacités communicantes de cette petite image). Sur le principe des journaux « jetables », le e-flyer est devenu DD (Développement durable), il est surtout devenu communicant « dormant ». Il arborre une belle image, portant un message plus ou moins neutre.
Au lieu d’être ouvertement réactualisable afin de toujours réduire l’agression que le consommateur pourrait ressentir, le e-flyer attend son heure. Il attend, après avoir été glissé dans une poche pour atterrir sur un bureau ou dans une cuisine… C’est à ce moment-là qu’il lance son protocole de communication qui révèle toute la stratégie des publicitaires. Sous prétexte que l’e-flyer aie été saisi et déposé, d’une manière qualifiée de « volontaire » par le législateur, sur un quelconque meuble d’un endroit pourtant privé ou assimilé, l’e-flyer a le droit d’interroger les systèmes environnants afin, dans un premier temps, de qualifier l’individu qui réside ou travaille dans ce lieu (le législateur a, au moins, protégé le nom de cette personne), qualification accompagnée de son lot de questions marketing sur les goût et habitudes… Dans un second temps, l’e-flyer propose d’entrer en contact avec cette personne de diverses manières : mails, courriers physiques, appel téléphonique, dépêche publicitaire… Si votre système est mal configuré… vous êtes sollicité contre votre gré.
La vie de l’e-flyer finissant par le recyclage, son retraitement débutera pas la récupération de toutes données qu’il aura pu saisir. Elles seront sources d’information pour les sevices de marketing : trajet, temps de vie avant recyclage, et profil de la personne « flashée » par l’e-flyer.
Scénario de cauchemar ? Des autorisations exceptionnelles ont été accordées, jusqu’à ce jour, à titre d’étude et de test… Il n’empêche qu’après le quizz de votre magazine préféré qui vous « profile » dans le même temps que vous vous divertissez, une nouvelle étape est en passe d’être franchit dans la violation de la sphère privée avec des moyens légaux, pourtant bien fragiles ! Quelle liberté reste-t-il au simple passant qui ne veut pas rentrer dans le jeu de la société ludo-consommatrice qui doit, par tous les moyens imaginables, amortir ses investissements toujours plus importants ?
© Olivier Parent – prospective.lecomptoir2.pro