Me voici de retour de l’EuroNanoPôle de Genève, sur le site de l’ancien CERN.
J’y ai assisté à la présentation de l’Human History Database & Prospective Evaluation Computer(2HDPEC)…
Vous me permettrez de nommer ce gigantesque ordinateur « le 1er radiant », en référence à Isaac Asimov, auteur de Science Fiction de la deuxième moitié du XXe siècle qui s’est fait connaître du grand public pour ses lois sur la robotique.
Son 1er Radiant est le rassemblement de l’ensemble des données connues sur l’histoire de l’humanité (on est plusieurs dizaines de milliers d’années dans le futur de l’humanité quand le 1er Radiant est conçu…), leur modélisation et leur projection à plus ou moins long terme dans une tentative de maîtriser l’avenir de l’humanité.Cette tentative utopique est conditionnée à deux impératifs : la nombre des individus de la population humaine observée et évaluée doit tendre vers l’infinie et cette même population ne doit pas savoir qu’elle est observée…
Mis à part ces dernières considérations, c’est bien ce vers quoi tend le 2HDPEC (je l’ai entendu prononcé tou-ètche-dipsy) : modéliser, analyser et tenter des prospectives sur l’histoire de l’humanité. Le tour de force des équipes de l’EuroNanoPôle étant de compiler de manière cohérente la base de donnée la plus renseignée qu’il n’ai jamais été créé dans toute l’histoire sur l’humanité elle-même.
Alors, je me suis permis un rêve : grâce au 1er Radiant, pourquoi ne pas tenter, virtuellement, le procès rétroactif des générations qui nous ont précédées et qui nous ont laissée une planète, notre habitat et notre « vaisseau pour l’avenir » dans un si piètre état ?
Faisons un constat amer, s’il en est : Montée des eaux océaniques à la surface du globe, fonte des glaces polaires et des grands glaciers dans l’ensemble des massifs montagneux de la planète, disparition d’un nombre toujours grandissant d’espèces végétales et animales, pollutions industrielles et destruction d’habitats sauvages et fragiles pour des raisons industrielles en constante augmentation… et sûrement que la liste pourrait encore être allongée… liste qui induit des dépenses énormes pour sauvegarder ce qui peut l’être : travaux de remblaies, digues et écluses, création des banques de données génétiques des espèces disparues et élargissement de ces banques de données à l’ensemble du monde vivant, développement des nouvelles thérapies pour soigner un nombre de maladies induites et leur variantes qui frisent l’épidémie (asthme, allergies, baisse de la fécondité masculine autant que féminine, diabète et cholestérol…). Des sommes énormes qui auraient pu être consacrées à d’autres causes plus utiles, par exemple, au rééquilibrage des richesses sur la planète, sachant que ce sont les pays les plus pauvres qui payent le plus lourd tribut à cette gabegie planétaire !
« Utopie et haine ! » pourriez-vous me dire… peut-être, mais pourquoi, bien que cela soit vain, ne pas intenter ce procès virtuel à ces générations insouciantes afin tenter, ainsi, de tirer, pour notre avenir, des conclusions plus utiles qu’une simple énumération de griefs, sans chercher plus en avant les causes de cet écheveau de responsabilités !
Sur le banc des accusés : les générations de nos pères, toutes générations confondues, les nations du XXe siècle dites industrialisées, les entreprises minières, agricoles, de confection… qui exploitèrent des richesses qui n’étaient les leurs ou, en tout cas, acquises hors de toute équité commerciale, ces mêmes entreprises qui asservirent par le travail des populations qui n’avaient pas de moyens de défense. Toutes ces personnes morales ou physiques qui prêtèrent leur voix à ses nations et ses entreprises qui exploitèrent la planète ne portant le regard sur leurs actes et leurs conséquences qu’à court et moyen terme…
Seront appelés comme témoins à charges : les populations déplacées pour cause de traite esclavagiste, les populations d’Afrique, du XXe siècle, qui moururent de faim dans l’indifférence occidentale, les nations dites en voix de développement qui, à la même époque, furent spoliées des ressources financières que leurs auraient garanties l’achat à juste prix des matières premières qui se trouvaient dans leurs sous-sols, les populations et ethnies qui perdirent leurs habitats dans la déforestation massive que subirent les forêts primordiales, déforestation qui dura jusqu’au XXIe siècle, les populations, ethnies et tribus qui furent expropriées, déplacées et exterminées pour des raisons idéologiques autant qu’économiques, les populations et nations qui ont perdus leurs habitats, leur capacités de production avec la montée des eaux océaniques et donc leur moyens de subsistance, les populations décimées par les catastrophes naturelles, cyclones (inondations, glissements de terrain…) induites par les modifications climatiques, les populations qui sont mortes de maladies provoquées par les pollutions que ces dernières se situent au niveau de l’eau, de l’air, de l’alimentation ou tout autre forme de propagations de substance toxiques, les populations qui périrent sous le joug du totalitarisme idéologique qui répondait à des injustices économiques…
Les Avocats de la Défense : « Propos tiers-mondialiste ! Hors sujet ! »
Le président : « Objection rejetée, maîtres… Vous n’avez pas encore la parole. Garder votre verbe et votre verve pour votre plaidoirie ! »
La Défense, qu’en à elle, appellera les témoins à décharge suivants : l’ensemble des individus qui, au cours de la même période considérée par l’Accusation, n’aurait pas du vivre pour cause d’absence de progrès médical, les tributs et ethnies qui ont eu accès au progrès pour leur bien et celui de générations qui suivirent, l’ensemble des populations et nations qui ont eu du travail et qui nourrirent et firent vivre leur enfants, les populations qui durent fuir leur pays pour cause de persécutions obscurantistes et qui, contre leur volonté, devinrent bourreaux d’autres peuples, la constellation des chercheurs, scientifiques et universitaires qui participent à la découverte permanente d’un monde qui ne cesse de se laisser révéler, l’ensemble des cultures qui sortirent de l’oubli et de l’indifférence et qui, grâce à des programmes internationaux, virent leur patrimoine digitalisé, indexé et, donc, sauvegardé…
Que le procès commence !
Et pour cela, il faudrait imaginer un logiciel de simulation dans lequel, aujourd’hui, les défenseurs de telle ou telle cause pourraient ajouter leur argumentation… un logiciel qui mettrait à jour les collusion, les compromissions, les lâchetés, les prises d’intérêts économiques tout aussi bien qu’idéologiques… un logiciel qui, nourrit d’une base de donnée colossale, aiderait les décisionnaires d’aujourd’hui à orienter les progrès de demain.
Le propos n’est pas d’être pour ou contre le progrès… mais d’orienter celui-ci. Nous avons tant tardé à nous réveiller que nous serions, en définitive, suffisamment suspects de responsabilités dans la situation actuelle pour nous retrouver sur le banc des accusés, sachant que quand je dis nous, j’entends « notre génération » !
© Elaïwon Per, Envoyé Spécial pour Futurhebdo