Les commémorations du cinquantième anniversaire des attentats du 13 novembre 2015 sont l’occasion de porter un regard sur les cinq décennies qui se sont écoulées depuis cet « annus horribilis ».
Suite aux attaques qui, le soir du 13 novembre 2015, frappèrent le nord-est de la capitale, la première réaction fut sécuritaire : Comme le firent, en 2001, les USA avec le Patriot Act, après la destruction du World Trade Center par Al Qaida, l’Europe et plus particulièrement la France renforcèrent leur arsenal législatif. Cette période de trouble fut également propice à la mise en place de nouveaux moyens de surveillance numérique, au grand dam des organisations non gouvernementales attachées au respect des libertés individuelles.
Les attentants du 13 novembre 2015 marquèrent aussi un tournant dans la vie politique française. A l’époque, la terreur et le stupéfaction qui suivirent firent le lit à l’extrême droite. Les élections régionales de décembre 2015 confirmèrent la percée du Front National qui s’enorgueillit d’être devenu le parti majeur du paysage politique français. Il faudra attendre plusieurs mois pour voir apparaître le vrai tournant qui, aujourd’hui, reste fondateur de notre politique contemporaine, en ce milieu de XXIe siècle. En effet, à compter de cette triste date et contrairement à toute attente, les taux de participation aux divers scrutins qui rythment la vie publique de notre pays ne cessa d’augmenter. La peur, la tristesse et l’agitation, pour ne pas parler de colère… tous, sentiments légitimes en ces temps troubles, firent place, au sein de la population française, à un engagement civique inattendu pour les observateurs de la vie publique nationale de l’époque. Comme si, renouvelée dans l’épreuve, cette volonté d’exercer son devoir de citoyen devenait la seule réponse et le meilleur rempart à la barbarie…
Pour la classe politique, les évènements de 2015 furent l’occasion d’un choc, d’un réveil, et parfois même d’un certain cynisme. Jusqu’à la présidence de Jacques Chirac, les hommes politiques français, de droite aussi bien que de gauche, avaient tous bénéficiés d’une aura, bien que palissante, issue de la Libération et du général de Gaulle. Avec le nouveau millénaire, la France vécu près de deux décennies durant lesquelles les élus et hommes politiques visibles médiatiquement diffusaient une image carriériste, technocratique, sans conviction ni vision.
A la chute du mur de Berlin, en 1989, le monde avait perdu sa polarité est/ouest. L’ex-monde libre se chercha longtemps un ennemi clairement identifié… Au moment des attentats de 2015, la dualité droite/gauche du paysage politique français semblait devenue vaine et creuse. Cependant, ces tristes événements donnèrent l’occasion à la classe politique de se ressaisir, de retrouver une finalité et des élans fédérateurs qui lui manquait cruellement. Des personnalités politiques nouvelles émergèrent, d’autres eurent le cynisme de s’approprier ce nouvel élan, espérant un rebond pour leur carrière. Les urnes firent le tri ! Car, désormais, il y avait un avant et un après 2015.
Cette année vit aussi naître un autre phénomène : ce que, aujourd’hui, le monde connaît comme la fête de la Démocratie ré-appropriée.
Pour celles et ceux qui s’en souviennent, en janvier 2015, apparurent les images et le hashtag « Je suis Charlie », en réaction aux attentats perpétrés contre le journal satirique Charlie Hebdo. En novembre 2015, ce sont des #JesuisParis qui firent concurrence aux #Parisonfire diffusés par ceux qui se réjouissaient de ces violences. Seule la solidarité de la communauté planétaire permit d’étouffer l’obscénité de ces manifestations de joie.
Rétrospectivement, si les réseaux sociaux avaient existé en 2001, on aurait tous pu écrire « je suis New York »… Entre 2001 et 2015, on aurait tout aussi bien pu être Boston, Madrid, Londre, Bombay… Et, malheureusement, au cours des cinq dernières décennies, nous avons dû, à de maintes autres occasion, écrire et diffuser de nombreux « Je suis… » pour faire face à la barbarie et à l’obscurantisme.
Comme tous les autres 13 novembre 2065, cette année a été l’occasion de festivités partout sur la planète. Dans les capitales comme dans des villes de tailles plus modestes, on a fêté la Démocratie ; la tristesse a fait place à la joie et à la fierté. A la fin du XXe siècle, la France avait donné au monde la Fête de la Musique, un peu passée de mode… La planète s’est appropriée la fête de la Démocratie et le hashtag #jesuisdemocratie (en français dans le texte) refleurit régulièrement sur nos réseaux sociaux, comme un vaccin chronique, nécessaire, en cas de montée de fièvre terroriste, afin de réveiller nos consciences citoyennes qui ont la triste tendance à s’assoupir sur leurs bonnes résolutions…