Ce matin encore de nombreux manifestants se sont regroupés devant le ministère des Sports, de la Famille et de la Jeunesse. Ils protestaient à nouveau contre le projet de loi dit de “la famille étendue”. On a décompté 60 000 personnes le long du cortège, et même si ce chiffre semble modeste au vu des traditionnelles bataille de chiffre, il faut préciser que grâce au nouveau système de décompte couplé à la vidéo-surveillance, les chiffres semblent enfin fiables et incontestables.
Au delà de cette nouveauté technologique, ce mouvement fait écho aux manifestations qui rassemblaient, au début du siècle, les opposants à l’élargissement du mariage aux couples de même sexe. D’ailleurs, ce sont les même groupes conservateurs qui, aujourd’hui, sont à l’initiative de cette manifestation. Mais, plus étonnant, des associations familiales homosexuelles se sont associées à la contestation contre ce projet de loi. C’est peu de dire que de constater que le texte de “la famille étendue” ne passe pas auprès de ce public qui conteste la volonté du Parlement d’étendre aux “parents de faits” certains droits parentaux et ainsi que d’autres liens de filiation.
Bien que la plupart des psychologues de l’enfance soutiennent que ces familles recomposées constituent un apport affectif et éducatif pour les enfants, beaucoup ne voient pas l’intérêt social de créer de nouveaux droits. Les opposants pensent même que cela aboutira à encombrer les tribunaux de multiples recours lors des séparations ou des successions.
Les partisans du texte, quand à eux, s’appuient sur le constat que la définition de la famille de cette deuxième moitié du 21e siècle n’a plus rien à voir avec celui qui existait et qui était le modèle lors de la rédaction de la plupart des textes régissant le droit de la famille.
Il y a peu, Pascal Cotti-Amra, rapporteur du projet de loi, déclarait d’ailleurs : “De nos jours, on ne compte plus les demi-frères et quart de soeurs, les cousins par alliance et les cousines issues de beaux-germains… Force est de constater que désormais les parents d’un enfant ne sont plus simplement ses géniteurs et ascendants… ils sont aujourd’hui bien plus nombreux : ceux qui élèvent l’enfant peuvent aussi bien être conjoints, demi-frère, grand-mère par alliance… Faut-il que nous l’ignorions et laissions les choses se faire dans un vide juridique ? Je ne le pense pas ! Il nous appartient de donner, enfin, un cadre légal à ce que l’usage a entériné depuis bien longtemps.”
Cependant, si le législateur veut prendre en compte ces évolutions familiales, il se heurte à de nombreuses oppositions. Tout d’abord, la morale et la force de la tradition : élargir les droits familiaux fait craindre à certains d’être dépossédés des leurs. Mais les freins les plus forts sont également les plus discrets. En effet, de nombreux élus sont opposés à l’élargissement des liens familiaux car cela aura également des impacts budgétaires. S’il est acquis que les droits de successions “en ligne direct”, entres les ascendants, sont minorés, il en va différemment de l’extension de ces abattements à de nombreux membres de ces familles à géométrie variable. En effet si la loi entérine ces liens vécus au cœur même des familles, cela implique plus de déductions des frais de succession… et donc moins de recettes. À cela, il faut aussi ajouter le coût des aides sociales auxquelles ces “familles étendues” auront automatiquement droit sitôt la loi votée. Les détracteurs du projet de loi soulignent donc le fait que ces droits nouveaux vont devoir être compensés par l’impôt et donc à charge de l’ensemble de la population.
Les débats promettent d’être encore longs. Mais, la vraie question est de savoir si la loi doit inciter à un modèle familial, voir moral, ou si elle doit s’adapter aux évolutions de la société et les accompagner.