Personne ne voulais envisager cette éventualité mais les faits sont là : le tirant d’eau, dans le canal de Suez, ne permet plus aux plus gros navires de frets, porte-conteneurs et autres navires gaziers d’y naviguer.
La concurrence féroce qui s’est engagée entre les canaux historiques (Suez, Panama et Nicaragua) et les itinéraires nords via le détroit de Béring a eu pour conséquence une perte de rentabilité pour ces voies tropicales. Ces dernières nécessitaient un entretien considérable, principalement pour le canal de Suez fortement impacté par les dérèglements climatiques et des tempêtes de sables toujours plus violentes.
Ces manques de rentabilité a eu pour conséquence l’abandon des contactants de l’exploitation de ces voies maritimes. Les pays par lesquels passent ces canaux, Égypte et Panama, fortement endettés depuis le début du siècle par les travaux d’aménagement et d’agrandissement juges à l’époque nécessaires, sont incapables d’assurer l’entretien de ces voies, accentuant de fait la réduction du trafic maritime qui leur étaient indispensables. Le cas canal nicaraguayen est en train de rejoindre le triste sort de ces deux frères de destin : la concession du contractant chinois est arrivé à terme en 2063. Et les négociations s’enlisent : sa fréquentation est, elle aussi, en forte baisse. Nombre d’observateurs jugent que sa construction, au milieu des années 10, portait en elle le risque d’une spéculation autour d’un trafic aux destinées instables.
En effet, depuis une vingtaine d’années, l’océan Arctique est navigable. En été, la situation est simple : les navires font cap plein nord, en eaux internationales.
En hiver, la situation est plus complexe : les navires doivent emprunter les traditionnels passages Nord-Est, le long des côtés extrême nord de la Russie et Nord-Ouest, via le nord du Canada qui, suite à une longue bataille judiciaire, le Canada a perdu, dans les années 40, la souveraineté des eaux d’une partie du passage Nord-Ouest (le détroit de Baffin et le canal de Parry) en vertu du droit maritime sur les détroits et autres canaux qui les considèrent comme eaux internationales.
De son côté, la Russie tente d’imposer, coûte que coûte, la présence de ses supers brise-glace nucléaires auprès des navires qui font route par ses eaux territoriales. Construits dans les années vingt, en remplacement d’une flotte vieillissante datant de l’air soviétique, les trois géants des mers glacées se révèlent finalement surdimensionnés : de plus en plus de navires sont dotés d’étraves renforcées (de classe Arc7 selon les spécifications russes) qui leur permet de faire route parallèlement au passage Nord-Est, tout en restant dans les eaux internationales, économisant ainsi les taxes russes jugées exorbitantes par les armateurs.
De sorte que, en quelques décennies, les itinéraires maritimes à l’échelle de la planète ont été bouleversés pour basculer vers l’extrême nord car cette route offre une économie, en distance, de l’ordre d’un quart. D’où des économies énergétiques et de temps, donc d’argent.
Ce bouleversement c’est donc fait au détriment de l’Egypte, du Panama et, bientôt du Nicaragua. Pour l’Egypte, dans les années 20, les dividendes d’exploitation du canal de Suez représentaient 20% du budget de l’état, plongeant ces pays dans de graves crises économiques. La préservation de l’océan Arctique comme réserve de biodiversité n’aura pas mieux survécu à la nécessité et à la pression économiques d’une société mondiale qui demeure grande consommatrice de biens.