La conquête de Mars fascine les humains depuis des siècles. Depuis des décennies, le rêve de découvrir les secrets de la lointaine planète Mars, au nom d’un Dieu d’une guerre qui aurait pu être martienne selon certains esprits imaginatifs, a hanté des pages entières de livres de science-fiction. Ce rêve aura justifié les scénarios et les hypothèses les plus audacieux et parfois « abracadabrantesques ». Les scientifiques n’ont pas été les derniers à s’offrir un peu de rêve à coups d’annonces sur notre lointain voisin mais vite désenchantées. Mais si l’entrée dans le 21e siècle et ses progrès en matière d’observation et de navigation spatiale auront douché certains, d’autres y ont trouvé au contraire matière à justifier une conquête qui se veut scientifique avant tout.
Après bien des déboires et des retards, une équipe internationale d’astronomes et de scientifiques y est installée depuis 2060 dans la base internationale « Réunion ». Son installation aura permis d’abord de justifier les premières vraies transformations d’un écosystème à priori hostile à l’homme. Petit à petit, les progrès réalisés en matière de terra-formage des matériaux trouvés sur place, celui des voyages humains grâce aux premiers vaisseaux plus confortables et plus puissants montés en orbite spatiale ont facilité les transferts entre la Terre et Mars. Mais surtout dans cette sorte de base Adélie de notre système solaire, les équipes qui se succèdent et qui grossissent lentement au gré des volontariats et des nécessités, ont été bien souvent les héros de découvertes fondamentales en astronomie. A partir des observatoires maintenant opérationnels, les équipes du professeur Henrique Joshua – qui se refuse toujours à revenir sur terre depuis six ans maintenant – ont découvert plusieurs planètes qui confortent la probabilité de trouver des sœurs à la Terre dans notre galaxie. Selon les scientifiques de la base de Réunion l’hypothèse que la vie existe dans l’univers est tout aussi probable que celle de l’eau découverte sur certaines des planètes examinées à partir de leur station astronomique. Une station qui ouvre aux astronomes un espace interstellaire de plusieurs années-lumière dont beaucoup tombent amoureux. Un amour partagé par le français Jean-Christophe Dubois, 35 ans, qui vient de rejoindre ses camarades français mais aussi les américains, les japonais, les allemands, le suédois, un iranien et une cohorte de chercheuses australiennes, très courtisées, qui partagent un même rêve : participer à la grande aventure scientifique offerte par l’exploration et l’exploitation des ressources offertes par Mars.
Grâce à leur nouveau système vidéo à haute définition, nous avons pu recueillir les premières impressions de Jean-Christophe Dubois arrivé sur Mars il y a quelques jours.
Thomas Michaud : Vous êtes le millième habitant de la planète Mars, et vous êtres français ! Vous rejoignez une communauté de pionniers principalement constituée d’ingénieurs et de scientifiques, qui cohabitent dans un esprit international. Qu’est-ce qui selon vous motive tous ces hommes et ces femmes, à venir vers Mars ?
J-C Dubois : A l’origine l’installation des premiers hommes avait pour objectif de valider l’hypothèse selon laquelle il était possible d’utiliser, de transformer, les ressources locales pour permettre l’installation des humains sur Mars. Ce fut un succès malgré de nombreux déboires. Initialement, trois petites bases furent établies, toutes partiellement enterrées. Une d’entre elle, habitée par dix pionniers fut terriblement endommagée en janvier 2028, par une chute de météorites causant, comme vous le savez, la mort de la moitié des scientifiques surpris sur place. Dans une autre, l’année suivante, c’est un étrange virus, peut-être d’origine martienne, qui provoqua la mort des premiers colons. La troisième base se développa progressivement grâce aux missions qui apportèrent du ravitaillement et de nouvelles structures pour l’agrandir. Cette base profita d’un emplacement favorable et résista à de nombreuses tempêtes. En 2033, la NASA et l’ESA décidèrent de passer à une nouvelle étape de la conquête de Mars. Leurs différentes missions, principalement des sondes et des rovers, avaient permis de faire des découvertes décisives. La recherche de la vie n’avait rien donné, même si des fossiles de microorganismes continuaient à stimuler la curiosité des scientifiques. Mais la découverte de métaux rares qui pouvaient être renvoyés sur Terre après traitements sur place a accéléré l’envoi des scientifiques sur Mars.
TM : Quelles sont les qualités qui vous ont permis d’être sélectionné pour cette mission ?
J-C D : J’ai été sélectionné entre des centaines de candidats. Les gens motivés et compétents sont très nombreux. Mars fait vraiment rêver, malgré les risques du voyage et de la vie sur place. Depuis le début de l’exploration humaine, il y a eu de nombreux morts, des avancées prodigieuses et des reculs souvent tragiques. La commission chargée de la sélection avait retenu mes qualités en sciences et mes capacités athlétiques. J’ai fait beaucoup de sport pendant mes études en géologie et en médecine spatiale. Je maîtrise aussi plusieurs langues, ce qui devrait favoriser mon intégration auprès des autres habitants de la base martienne. Mais je crois que la qualité qui a fait la différence est mon mental. J’ai effectué plusieurs stages de survie en milieux extrêmes, dans les déserts chauds et froids de la Terre. J’y ai beaucoup appris sur mes limites, mais aussi sur les astuces utiles pour se sortir de situations difficiles.
TM : Que pensez-vous de votre environnement et du confort sur la base ?
J-C D : Les conditions de vie sur la base martienne sont encore assez spartiates. Les lieux de vie procurent un confort minimum, et quelques rares scientifiques – heureusement – demandent à repartir le plus vite possible victimes du mal de l’espace et de problèmes psychologiques liés à l’éloignement de la Terre. Ils ont de la chance. Il y a encore deux ans, cela n’aurait pas été possible. Aujourd’hui, nous disposons d’un billet aller-retour. Les laboratoires de recherche sont en revanche à la pointe du progrès. Pour moi, le plus fascinant, ce sont les serres gigantesques qui sont implantées en sous-sol dans le but de développer une production agricole auto suffisante pour nous tous. Pour l’heure, une bonne partie de l’alimentation est encore fournie par des vaisseaux venus de la Terre. Cette solution reste très coûteuse et d’après mes informations, cette année justement, la base devrait être capable de subvenir à ses besoins, sur ce plan là au moins.
TM : Quelle sera la prochaine innovation susceptible d’orienter la connaissance et la conquête de Mars ?
J-C D : La plus évidente actuellement serait de diminuer encore le prix des voyages entre la Terre et Mars grâce aux progrès dans les technologies de propulsion. Elles devraient dans les prochaines années assurer des voyages de quelques semaines seulement contre sept mois auparavant. Ne l’oublions pas, les premiers astronautes qui s’installèrent ici, le firent sans espoir de retour. Ce sont eux qui ont monté les premières bases martiennes tout en payant un lourd tribu pour apprendre à survivre sur Mars. J’ai bon espoir que dans quelques années nous puissions développer des vaisseaux plus importants, ce qui accélérerait la conquête du système solaire et des étoiles. N’oublions pas qu’il y a seulement quelques décennies, nous utilisions la téléportation virtuelle ou la téléprésence pour explorer Mars avec des robots. Ensuite, même si les robots sont peut-être l’avenir de l’Humanité, et si l’intervention humaine demeurera une nécessité, nous ne pourrons pas faire autrement que de compter sur les progrès de la robotique. Les progrès scientifiques réalisés sur Mars sont des étapes nécessaires à de plus grandes ambitions, qui nécessiteront d’allier l’Humanité et les machines. De plus en plus de chercheurs estiment que la rencontre avec d’éventuelles civilisations extraterrestres passera probablement par l’intermédiation et l’utilisation des robots. Aujourd’hui, je réalise un rêve personnel, mais j’ai aussi conscience d’œuvrer pour une utopie collective qui devient une formidable réalisation bien concrète dont ont rêvé nombre de nos anciens. Voilà pourquoi aussi, je suis fier de représenter mon pays sur la planète Mars !
© Thomas Michaud