La relation entre la Terre et l’espace est la clé de la vie de l’humanité sur Terre, l’espace ayant ensemencé le vivant sur Terre et ayant fourni l’énergie nécessaire au développement des générations successives des êtres vivants jusqu’à permettre aux humains de collecter, de stocker et d’utiliser des quantités d’information qui feront la différence. C’est alors que l’homme a su retourner la situation en sa faveur, en apprenant à utiliser l’espace pour vivre et se déplacer sur la Terre, bien avant d’être capable d’y aller. Aujourd’hui, 60 ans après le Spoutnik, l’objectif d’un “espace pour la Terre” est le moteur de tous les acteurs spatiaux, à commencer par le CNES, qui délivrent aux hommes de plus en plus de données, de plus en plus de connaissances et de plus en plus de services fournis grâce à l’espace.
Ce que l’espace n’a pas encore réussi à faire, c’est de changer le comportement de l’homme qui continue à vivre comme si la Terre était infinie et le temps fini, contrairement à la réalité contre laquelle l’homme finira par buter.
Comment réconcilier le comportement de l’homme avec cette relation entre la Terre et l’espace, vitale pour qu’il puisse continuer à vivre sur Terre pendant un temps infini à l’échelle de la vie d’un homme (1000 siècles pour Roger Bonnet)? Il faudra pour cela briser la frontière qui a été construite entre la Terre et l’espace, par nos ancêtres d’abord qui avaient fait de l’espace le royaume des dieux par rapport à la Terre , le royaume des hommes, distinction perpétuée par les acteurs spatiaux qui ont fait du secteur spatial un village sur la Terre, habité par ceux capables de maîtriser le feu (“rocket scientist”) et de conquérir l’inconnu. Certes, j’en viens, mais cet “espace réservé” est un frein à faire de l’espace la dimension capable de briser la finitude de la Terre. En abolissant cette frontière entre le « secteur Terre » et le « secteur espace », nous serons enfin capables de passer de « l’espace pour la Terre » à « l’espace et la Terre pour les hommes ».
Deux exemples permettent d’illustrer le poids de cette frontière et le bénéfice qu’il y aurait à la supprimer : les télécommunications et l’exploitation des ressources naturelles, le poids du passé pour le premier et le poids du futur pour la seconde.
Voilà 50 ans, les satellites ont permis aux hommes de communiquer entre eux, quels que soient leur éloignement, leur isolement et leur mobilité. Voilà 30 ans, les télécommunications par satellites sont devenues le premier marché commercial du spatial, produisant même des profits, certes trop petits pour les opérateurs de télécoms terrestres mais suffisamment grands pour donner naissance à des opérateurs de télécommunications par satellites, créant ainsi une distinction artificielle entre les télécoms via l’espace et les télécoms via les moyens terrestres, alors qu’il ne s’agit que de télécoms et pas d’espace. Ces télécoms par satellites ont étendu la sphère économique des télécoms entre les hommes jusqu’à 36000 km de la Terre, mais en divisant cette sphère en deux blocs qui s’opposent en guerre froide à chaque conférence sur l’allocation de fréquences. Le temps de la « réunification » serait un bénéfice pour les hommes.
De même, aujourd’hui, l’intérêt d’exploiter les ressources de l’espace se fait jour, d’abord en Californie et maintenant au Luxembourg, bientôt aux Emirats… Cette idée n’est pas nouvelle puisque dès le début des années 70, plusieurs équipes de chercheurs, en particulier du MIT (Forrester, Meadows), mettaient en évidence les conséquences pour l’humanité de vivre dans un système fini . Depuis, les tendances de leurs prévisions se confirment en dépit de certains efforts, et, surtout, les missions spatiales se sont développées non seulement pour fournir connaissances et services, mais aussi pour démontrer que l’on pouvait se poser sur des corps célestes, en extraire et en rapporter des échantillons. L’idée fait son chemin, le terme semble encore loin, le « business case » encore incertain mais, encore une fois, l’espace pourrait venir au secours non pas de la Terre mais des hommes sur Terre en leur fournissant de nouvelles sources de matières premières et ainsi réconcilier la finitude la Terre et l’infini du temps. A une condition toutefois, qu’on n’érige pas à nouveau une barrière entre les ressources de l’espace qui seraient réservées au secteur spatial, et les ressources terrestres au secteur terrestre.Les ressources de l’espace sont avant tout des ressources avant d’être de l’espace, ce ne sont que des « ressources au-delà de la Terre ».
Les articles conçus pour les Space’ibles Days :
- Jusqu’où l’homme est-il prêt à aller pour conquérir l’Espace ?
- Gouvernance, débris & enjeux juridiques
- Besoins d’espace pour société : Métropole, Espace & Souveraineté
- Produire dans l’espace
- Vivre au quotidien dans l’espace
- Au-delà de la Terre par Jean-Jacques Dordain, parrain de Space’ibles
- A nouvelles conditions climatiques, nouveaux paradigmes économiques avec Thales Alenia Space
Lien vers le numéro spécial « Space’ibles Days 2018 » de Futurhebdo
Lien vers le numéro spécial « Space’ibles Days 2017 » de FuturHebdo