Olivier est un des invités du dernier numéro du magazine Ecko*. A consulter en ligne sur le site du magazine (www.ecko-mag.com), à lire en version papier pour les chanceux de Bourgogne et à compulser ou à télécharger en version pdf ici : http://bit.ly/2G5mj1Z

Les chroniques sont à consulter dans les pages INNOVATIONS d’Ecko Magazine.

 

 

« Dis-moi ce que tu consommes, je te dirai quel avenir tu te prépares » pourrait tout aussi bien dire le prospectiviste…


Musique : Clément Parent

 

Longtemps annoncés, souvent reportés, les masques de réalité virtuelle (VR) ou augmentée sont la prochaine révolution dans les interfaces d’utilisation des médias. Ces dispositifs arrivent néanmoins à une forme de maturité fonctionnelle… et pourraient bien se révéler aussi révolutionnaires que le fût la souris informatique, à partir de 1968.

Ces masques participent à la quête de l’expérience “média” absolue qui a pour but l’immersion totale du spectateur/joueur dans le média. Le cinéma avance dans ce sens avec les projections 3D. Mais de L’Etrange Créature du lac noir (1954) à aujourd’hui, même avec des succès planétaires tels que Avatar (2009), jamais le public n’a définitivement adhéré à la 3D. Désormais, le cinéma pari sur la 4D. Au menu : mouvements, effets de lumière, d’eau, odeurs… Parmi les autres expériences auxquelles le cinéma s’est essayé, il y a ces films dans lesquels les prises de vue placent le spectateur dans la tête d’un personnage. Comme dans les jeux FPS (First Personnal Shooter) : le spectateur voit ce que voit le héro…

Là, les prises de vue sont étonnantes. Les cascades s’enchaînent et le spectateur n’a que peu de répit entre les courses poursuites à pied, à moto ou en voiture. En plaçant le spectateur au cœur de l’action, en immersion, il semblerait que ce genre de films fassent perdre aux spectateurs leur sens de l’orientation tant les scènes d’action appellent à un ressenti de l’ensemble du corps, alors que celui-ci reste immobile, dans son fauteuil… On pourrait assimiler ce malaise de celui ressenti, en 1895, par les spectateurs, lors de la projection de L’arrivée d’un train en gare de La Ciotat des frères Lumières : ils étaient tous convaincus qu’ils allaient être écrasés par la machine fumante qui leur fonçait droit dessus…

Il est un “pouvoir” des casques VR qui n’a pas échappé à l’industrie pornographique, c’est celui du contrôle de la caméra. Ainsi, de plus en plus des films X sont à regarder en VR. Il suffit de bouger la tête pour voir ce que l’on souhaite des ébats sexuels du corps dans lequel on est immergé. Certains poussent l’expérience de l’immersion encore plus loin en proposant de vivre cet érotisme virtuel à deux : on projette aux deux partenaires des films de la même action mais filmés du point de vue de chaque protagoniste… D’autres intervertissent les masques pour vivre l’action dans le corps de l’autre sexe… Cependant, l’explosion de ce marché ne doit pas masquer d’autres utilisations de la réalité virtuelle. Dans les domaines pédagogiques, le fait d’utiliser des masques VR est appelé “édutainment”, une contraction d’éducation et d’entertainment (divertissement, en anglais). Des médecins psychiatres, eux, développent des méthodes pour lutter contre des phobies en immergeant le patient, progressivement et “sans risque”, dans l’environnement qui provoque la crise. On traite ainsi le vertige, de dépendance au tabac… D’autres développements couplés à la robotique promettent d’offrir bientôt une forme d’autonomie à des personnes handicapées…

Mais les divertissements et les médias sont tels des trous noirs : une expérience n’est jamais satisfaisante bien longtemps. Ainsi, faut-il toujours proposer des nouveautés à des esprit vite blasés. A quand alors la disparition totale de la distance entre média et spectateur ? A quand les combinaisons sensorielles ? A quand la stimulation cérébrale pour une immersion multi-sensorielle ? Mais, toutes ces évolutions ne se feront-elles pas au risque de la dilution de l’Humanité dans le virtuel ? D’autant que, sans que l’Humanité y prenne garde, l’Intelligence Artificielle pourrait bien lui créer un miroir bien au delà de la mesure des mondes merveilleux d’Alice au pays des Merveilles, de Lewis Carroll.

 


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8 mars 2018