STAR WARS VII : LE RÉVEIL DE LA FORCE ou « Et si l’Histoire avait une fin ? » | Huffington Post | Ce que la SF nous dit sur demain
Deux ou trois choses que « LE REVEIL DE LA FORCE », le film de J.J. Abrams, nous dit sur demain… 

« Dis-moi quel film tu regardes, je te dirai quel avenir tu te prépares », parole de prospectiviste !

Avec

Réalisation : J.J. Abrams
Scénario : J. J. Abrams, Lawrence Kasdan, Michael Arndt
Distribution : Daisy Ridley, John Boyega, Oscar Isaac, Adam Driver, Harrison Ford, Carrie Fisher, Mark Hamill
Durée : 135 minutes
Sortie : 2015


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Si l’épisode 7 de la saga Star Wars est LE film attendu en cette fin d’année 2015, c’est surtout le prolongement au vingt-et-unième siècle d’un mythe fondateur de notre modernité, né au vingtième siècle. C’est le prolongement d’un univers que l’on partage d’une génération à une autre… C’est un bout de notre jeunesse que l’on traîne, sans trop de honte, au cœur de l’age adulte.

Conçu et réalisé à peine plus d’une génération après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la saga Star Wars s’inspire de cette dernière : les casques de Darth Vador et des stormtroopers, ainsi que les uniformes des officiers, ne sont pas sans rappeler ceux de la Werhmacht et des Nazis. Les combats entre les X-Wings et les chasseurs Tie s’inspirent des images de combats de la Bataille de la Manche ou de la Guerre du Pacifique. Pour construire son univers, George Lucas s’est inspiré de bien d’autres sources : c’est la chevalerie et le Moyen- ge qui imposent leur empreinte sur L’Ordre des Jedi. La Force, de son côté, n’est pas loin du Tao chinois, cette énergie primordiale qui baigne et relie toutes choses. On pourrait tout aussi bien évoquer l’univers visuel et le bestiaire extraterrestre de Jean-Claude Mezières, le papa de Valérian, le héros de BD français (en cours d’adaptation par Luc Besson)… Et bien d’autres inspirations encore… Tous ces ingrédients, assemblés et apprêter grâce au talent créateur de George Lucas, ont donné les films que l’on connaît.

Aller voir « Épisode VII », c’est aussi prendre acte d’une prise de pouvoir : celle de Disney – avec un ticket d’entrée à 4 milliards de dollar, tout de même – sur l’œuvre d’un ancien défenseur d’un certain cinéma indépendant : on ne peut s’empêcher de penser au retour sur investissement qu’attend, à n’en pas douter, Mickey et tous ses amis, Picsou au premier rang !

Aller voir le dernier épisode de la saga Star Wars c’est surtout assister à un spectacle total tant les codes fondateurs ont été bien respectés et transcendés par une réalisation qui alterne avec brio des scènes de comédie qui portent un doux parfum de déjà vécu – comme peu un madeleine de Proust – et les scènes de grand spectacle qui laissent les spectateurs scotchés à leur siège tant par l’adresse des pilotes que par la beauté – chaotique ou naturaliste – et le gigantisme des décors.

Cela dit, ce premier épisode d’une nouvelle trilogie qui décrira, dans les années qui viennent, une nouvelle période de l’histoire d’une galaxie lointaine, très lointaine, il y a bien longtemps, raconte plus que les jeux et relations des anciens protagonistes ou bien l’émergence et les heurts des nouveaux héros. Le mythe se prolonge, se renouvelle et rebondit pour le plus grand plaisir du spectateur, sous la houlette experte de J.J. Abrams qui fait là un sans faute. Il recrée Star Wars pour le plus grand bonheur d’un public acquis de longue date aussi bien que nouvellement « converti ». Le réalisateur a déjà réussi ce tour de force avec la série Star Trek. C’est sûrement une des raisons qui l’ont amené au commande de ce nouvel épisode très attendu et, au final, enthousiasmant.

Emportés par la douce exaltation de l’enfant qui, en nous, rechigne à grandir, prenons un instant Star Wars au sérieux… Le réveil de la Force n’aurait-il pas alors plus nous à dire que cette incessante lutte du Bien contre le Mal, lutte chargée de pathos œdipiens, ou bien plus que cet ersatz de spiritualité, la Force, évocation surnaturelle commune à tous les films Star Wars, que nos sociétés modernes, qui se revendiquent pourtant athées, semblent adopter sans grande difficulté ? Star Wars est une œuvre qui s’est construite à grand renfort de syncrétisme – cette manière de mélanger les influences, habituellement spirituelles : on a cité le Tao au sujet de la Force, mais Anakin ne serait-il pas né sans père ? autre mythe fondateur dans de nombreuses traditions spirituelles. Les effets spéciaux, parfaitement réalisés, à chaque époque de production de ces trilogies successives, sont la signature de notre modernité et proposent, avec Le réveil de la Force, un packaging plus que jamais attrayant pour cette spiritualité d’un grand « tout », sans dogme écrit ou profession de foi…

Afin que Épisode VII dépasse son simple statut de film qui continue et renouvelle un mythe né il y a près de quarante ans, d’ailleurs, à la plus grande surprise des observateurs de l’époque, il convient de replacer Le réveil de la Force dans le temps de cette galaxie lointaine : entre La menace fantôme, l’épisode un, et les événements que racontent nouveau le film, septième épisode de la saga, il s’est écoulé de l’ordre de 60 ans.

Au cours de ce laps de temps, on peut alors s’arrêter sur les armements pour constater que tout au long de cette période, ils n’ont pas changé : à 60 ans d’écart, qu’ils soient portés par des droïds ou des stormtroopers, ou aux mains des hommes de la Rébellion ou de la Résistance, les blasters semblent de même puissance… De leur côté, si les chasseurs Tie et les X-Wings n’apparaissent qu’au mitan de la période galactique observée, ils conservent les mêmes performances comme le montre les combats aériens du Réveil de la Force et ne semblent par être une rupture fondamentale avec les chasseurs N-1, de Naboo, pas plus qu’avec le Delta-7 Light Interceptor que, 10 ans plus tard, Obi-Wan Kenobi utilise pour se rendre à Camino ou Geonosis, dans L’attaque des Clones… Et les croiseurs interstellaire, qu’ils soient de l’ancienne République, de l’Empire déchu ou du Premier Ordre, font toujours planer leur ombre menaçante et reconnaissable entre toutes sur des systèmes planétaires entiers. Dans Le réveil de la Force, J.J. Abrams en profite pour offrir au spectateur des combats extraordinaires, jubilatoires, montrant mieux que jamais les capacités de ces machines. Pour la plupart, ces scènes ont lieu en vols atmosphériques alors qu’on avait l’habitude de voir évoluer ces vaisseaux dans l’espace. Les effets n’en sont que plus spectaculaires…

Si on note une stagnation en matière de matériel stratégique, on peut également noter un phénomène similaire sur un plan plus civil, avec la persistance d’organisations et de lieux quasiment moyenâgeux. Ce sont Mos Esley et le repère de Jabba le Hutt, sur Tatouine, la demeure de Yoda, sur Dogobah, ou bien encore, la planète Jakku sur laquelle débute Le réveil de la Force et, plus tard, la taverne de Maz dans laquelle s’affrontent les hommes du Premier Ordre et les Résistants. Les caves de cette auberge sont dignes d’un Robin des Bois !

On pourrait citer d’autres exemples de cette stagnation dans laquelle semble se trouver la galaxie de Star Wars. Un monde duquel semble s’être retiré l’innovation, un monde qui semble trébucher sur les mêmes écueils, un monde dans lequel la lutte du Bien contre le Mal semble n’être qu’un éternel recommencement…

Revenons dans notre galaxie, sûrement très très loin de l’autre, et dans notre temps propre. Dans le même laps de temps que celui observé grâce aux films de Star Wars, 60 ans, notre monde, pour sa partie occidentale, a beaucoup changé. Dans les années 1950, l’Europe était une société toujours agricole mais en voie d’industrialisation, et animée d’un extraordinaire élan de reconstruction. L’Europe était aussi à l’aube de l’ère électronique qui lui ouvrira bientôt les portes de l’ère de l’informatique. Soixante ans plus tard, en 2015, notre société est post moderne : tout en consommant dans l’insouciance des produits de très hautes technologies dont les générations s’enchaînent avec toujours plus de frénésie, nos sociétés occidentales vont devoir réintégrer la communauté planétaire pour participer, avec l’ensemble des nations, à la construction d’n avenir durable pour l’ensemble de la planète, notion qui avait étrangement échappé à l’Occident, jusqu’à la fin du XXème siècle.

Si notre univers se résume à notre planète, il a lui aussi ses Mos Esley ou ses Jakku, avec leurs lots de pauvreté et d’esclavagismes plus ou moins masqués… Si notre monde n’est pas exempt de conflits et de violence, les 60 années qui viennent de s’écouler ont été aussi le temps d’un esprit d’innovation sans précédent. Il s’est nourri de ce qui l’a précédé et lui-même servira de base au monde de demain, celui qui se construit au gré du flot du temps… Si le monde de Star Wars semble figé dans une histoire qui ne cesse de se répéter, il doit nous rappeler que notre monde bouge et se renouvelle à des rythmes inconnus dans la galaxie lointaine, très lointaine , de Star Wars, une galaxie broyée par des conflits sans fin, incapable de se remettre en marche.

Il a souvent été dit que l’innovation naît de la nécessité belliqueuse. Le Réveil de la Force semble dire le contraire – la nouvelle Etoile Noire, Star Killer, seule nouveauté dans l’univers de Star Wars, ne répond qu’à l’injonction : Bigger is better, plus c’est gros, mieux c’est ! Mais Star Killer, l’arme suprême qui s’affranchit de l’espace, est un peu comme la Grosse Bertha, ce canon surdimensionné qui menaça Paris, au cours de la Première Guerre Mondiale, ou le super panzer de plus de 300 tonnes ardemment souhaité par Hitler. L’une et l’autre ont fait long feu, ployant sous le poids de la démesure et, tels de culs-de-sac de l’innovation, n’ont rien produit dans le monde civil.

Dans le même temps, sur notre Terre, d’autre exemples vérifient le caractère moteur des temps de guerre en matière d’innovation : c’est le nucléaire, arme ultime de notre XXème siècle, devenu source d’energie, contestée mais civile, c’est la conquête spatiale, américaine aussi bien que russe, qui a directement bénéficié des travaux des ingénieurs allemands du Troisième Reich. La pénicilline ou les sulfamides ont eux sauvés bien des soldats avant d’arriver dans les hôpitaux civils… Et la DARPA, l’agence américaine d’innovation stratégique, continue à porter des projets d’innovations militaires qui trouvent rapidement des débouchés civils.

Pourtant la paix porte aussi des fruits d’innovation – fruits néanmoins stimulés par les engrais du profit, il fait le préciser – que l’on parle d’innovations technologiques ou sociales : c’est la conquête spatiale qui est désormais civile et industrielle avec les richesses de la ceinture d’astéroïdes en ligne de mire… C’est le glissement lent mais certain d’une économie des produits, dispendieuse, vers celle, plus durable, des services avec, par exemple, dans le domaine de la puériculture, des marques qui désormais fournissent aux jeunes parents, qui achètent leurs services, cosys et autres poussettes au rythme de la croissance de bébé, évitant à ces familles le gaspillage de matériel inutilisé après quelques mois d’un usage pas toujours intensif… C’est la connaissance qui s’affranchit du cadre académique grâce à l’Internet, c’est le crowdfunding qui finance des causes sociales ou humanitaires, c’est la prise de conscience que notre planète est notre unique vaisseau spatial et qu’il est bien fragile, un peu comme un Millenium Falcon, une autre star du Réveil de la Force.

A chacun de s’interroger pour savoir si, demain, nous souhaitons, pour nous-même et les générations à venir, un monde de chaos, qui trouverai tout à fait sa place dans l’univers de Star Wars, sans les combats virvoltantes de sabres lasers, les valses effrénées des chasseurs spatiaux et la farandoles de planètes exotiques et toutes miraculeusement habitables…

L’épisode VII est un vibrant hommage à l’épisode IV, le premier des films de la saga, conçu, produit et réalisé en 1977 par George Lucas. Ce film, en nous replongeant avec délice dans cette répétition à une génération d’écart, agit comme un révélateur : il nous rappelle que l’humain a la fâcheuse tendance à vouloir vivre dans un état de stase, à vouloir imaginer qu’il peut arriver à placer son existence et la vie en général dans un équilibre fragile et subtile qui le libérerait de l’inconfort du changement. Alors que le changement et le mouvement sont des signes de la vie (c’est la Tao qui le dit…).

Alors, après avoir goûté à nouveau le doux parfum de nos madeleines cinématigraphiques, il nous faut reprendre le cours de la vie et s’atteler à la tâche de la construction d’un avenir durable, tâche ingrate qui n’en demeure pas moins la plus belle des aventures !

 


 

Toutes ces analyses sont également rassemblées sur le site www.sciencefictiologie.fr, site dédié à la science-fiction qui  éclaire le présent, grâce à la plume, le crayon et l’œil des auteurs !

 


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18 déc. 2015