Deux ou trois choses que « RENAISSANCES », le film de Tarsem Singh, nous dit sur demain…« Dis-moi quel film tu regardes, je te dirai quel avenir tu te prépares », parole de prospectiviste !
Réalisation : Tarsem Singh
Sortie : 2015
Hollywood et l’industrie – américaine ou non – du cinéma font-ils le lit des Transhumanistes ? On peut se poser la question avec, pour 2015, un deuxième film qui traite de la digitalisation de l’esprit humain, après Chappie. Entendez par là la possibilité de faire une copie de ce qui fait la personnalité d’un être humain. Quelques mois plus tôt encore, il y avait eu Transcendance… Dans l’intervalle, on pourrait tout aussi bien citer Lucie qui traite de l’amélioration de l’être humain. Chacun de ces films propose sa propre morale finale. Mais tous ces films surfent sur les thèmes chers aux Transhumanistes : immortalité par voie de clonage ou technologique, émergence de la conscience artificielle, amélioration de l’humanité…
À partir de cette phrase : si vous n’avez pas vu le film, passez votre chemin. Attention : spoiler !
Renaissances, donc, aborde, à sa manière, ce fantasme de l’homme moderne qui consisterait à sauvegarder d’une manière ou d’une autre un être humain. Si, quelques mois plus tôt, Chappie présentait l’option « support biologique vers support numérique », Renaissance propose une alternative : « bio vers bio » ! Contrairement à Chappie, dans lequel l’émergence « découvrait » l’algorithme de la conscience qui permettait une copie de la personnalité d’un être humain en quelques minutes/secondes — selon la lecture que l’on a de la scène finale — Renaissance met en œuvre une machine qui semble beaucoup plus complexe, assimilable à un IRM, mais qui semble toujours faire passer la personnalité de la personne à sauvegarder d’un corps à un autre en quelques minutes…
L’invention de Chappie avait le désavantage de présenter l’esprit humain comme un fichier numérique mesurable. Ce qui avait pour conséquence de faire de ce même esprit humain une quantité finie. Si l’humain est fini dans son corps… Son esprit peut-il été réduit à un nombre de données mesurables ? De son côté, la machine de Renaissance semble faire une cartographie électromagnétique, en trois dimensions, du cerveau de la personne sur le point de mourir qu’elle duplique en temps réel vers le corps du donneur forcé. Cette technique semble laisser plus de place à la complexité d’une personne humaine bien que la technologie contemporaine numérique à le gros défaut d’échantillonner les données qu’elle traite.
Souvenez-vous des débats au débuts du Compact Disc : si le disque vinyl et le saphir qui le lisait laissaient la place à toutes les nuances que seuls les mélomanes étaient capables de percevoir, le CD audio, le fichier numérique qu’il porte, pour être plus précis – propose une version coupée en tranches extrêmement brèves la musique à écouter – 44 000 échantillons par secondes. Cela avait pour conséquence de faire ainsi disparaître toutes informations plus brèves que cette fréquence, informations de toute manière imperceptibles par l’oreille humaine argumentaient les promoteurs du CD. Depuis cette controverse, le fichier numérique a bien trouvé sa place dans notre société et a surtout définitivement détrôné le vinyl, n’en déplaise aux puristes…
Alors, l’esprit humain survivrait-il à un échantillonnage ? Bien que l’on puisse sans peine imaginer des fréquences d’échantillonnage toujours plus brèves… Alors, la personnalité transplantée dans ce corps inerte et jeune grâce à cette technologie serait-elle bien une copie conforme de la personne qui se meurt dans le lit voisin ? Cependant, l’interrogation levée à la fin de Chappie, reste présente : ce qui fait la personnalité de Damian, le personnage joué par Ben Kinsley, les soixante années qui ont construit son histoire, tout cela peut-il être déplacé en quelques minutes, d’un corps à un autre ?
Et d’ailleurs, ce corps receveur, qui est-il ?
L’intrigue du film se déroule autour d’une supercherie dont Ben Kingsley est à la fois la victime et le pourfendeur : le transfert de personnalité, la mue, terme utilisé dans le film, serait acceptable car les corps receveurs sont vierges. Ils ne sont qu’un montage biologique en attente d’une activation qui se ferait par « l’injection » de la personnalité sauvegardée. Si les mues se font dans la clandestinité, c’est que la société n’est pas prête à ce choc technologique et moral. Damian fait donc partie d’une aventure de précurseurs. Mais les corps ne sont pas si vierges que ce qu’on veut faire croire au spectateur et aux clients de la mue… Et l’histoire de ces corps vient percuter l’espérance d’immortalité des utilisateurs de la mue…
Peu importe ce qui se passe au cours du film. La vraie question, une de celle qui peuvent servir, à terme, les Transhumanistes, est celle du statut d’un corps humain généré par voie de clonage. Dès les premières minutes du film, quand Damian accepte et sait qu’il est condamné, il a une conversation avec le sémillant professeur Albright, joué par Matthew Goode. Ils sont devant un sarcophage high-tech. Damian se penche au dessus d’un hublot qui laisse apparaître un visage inanimé qui baigne dans ce qui pourrait être un ersatz de liquide amniotique. Le corps est soudain parcouru d’une secousse. « C’est un simple réflexe… » commente laconiquement Albright qui ne voit dans ce corps qu’un amas biologique, qu’un investissement à réaliser auprès de son richissime client.
Les technologies contemporaines de clonage se concentrent sur la génération de simples organes, sortis de toutes relations avec un corps complet, si ce n’est celui pour qui l’organe est « conçu » en vue d’une greffe salvatrice. Cependant, il ne faut pas douter que le clonage global d’un individu sera tenté, à plus ou moins long terme, à moins que ce ne soit déjà fait. Alors qu’elle statut à ce corps ? Est-il un être humain à part entière ? Appartient-il à celui qui a fourni le patrimoine génétique cloné ? Appartient-il au laboratoire qui l’a généré ? Ou bien, le clonage n’est qu’un mode de reproduction comme un autre et donne naissance à un être humain à part entière, qui tombe sous la protection de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme.
En tout cas, le film Renaissances apporte sa réponse propre : le clone reste qu’un matériau biologique commercialisable. Si dans le film, il y a supercherie à propos de l’identité des clones, c’est que les besoins de l’intrigue devaient mettre en œuvre des situations sources de conflits. Mais, le film ne répond pas à la question essentiel du statut des clones. La réponse demeure en suspens… Si Hollywood donne un jour une suite à Renaissance, ce sequel pourrait bien se situer dans un avenir proche dans lequel la technologie de clonage serait enfin maîtrisée. Et un Mark — peut-être torturé par un Damian qui refuse l’annihilation — aurait à « remonter au front » pour défendre les droits de ces humains réduits en esclavage par la cupidité des successeurs du professeur Albright. Et, dans ce cas, une réponse serait à nouveau proposée. Ce qui n’empêche pas au spectateur de se faire sa propre opinion sur ce délicat sujet.
Toutes ces analyses sont également rassemblées sur le site www.sciencefictiologie.fr, site dédié à la science-fiction qui éclaire le présent, grâce à la plume, le crayon et l’œil des auteurs !
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