A l’instar de plusieurs pays européens comme la Pologne, l’Allemagne, l’Estonie, la France a décidé de mettre en place le vote électronique depuis le domicile pour réduire le risque de transmission du covid-19. Le point avec notre journaliste Narcisse L. Pardalis.
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(NLP) Bonjour chers lecteurs. Pour ce sujet, j’ai eu le plaisir d’interroger Christophe POMMARD. Mr POMMARD travaille au sein du ministère de l’Intérieur. Il s’agit d’une interview réalisée par messagerie instantanée. Mr POMMARD, pouvez-vous vous présenter brièvement ?
(CP) Oui, tout à fait, bonjour à tous et merci pour cette opportunité. Alors pour être plus précis, je suis le responsable de la Direction de la modernisation et de l’administration territoriale dont l’une des missions est d’organiser les élections politiques. Et j’ai la charge de gérer et de piloter le projet de digitalisation des élections départementales et régionales de 2021. C’est un projet qui s’inscrit dans la stratégie « Résilience d’Etat en cas de pandémie » et qui vient directement du retour d’expérience des élections municipales de 2020.
Et en quoi consiste le projet ? Parce que digitaliser les élections ça a l’air d’être quelque chose d’assez complexe et difficile…
C’est effectivement complexe dans la réalisation notamment en ce qui concerne la législation. Le Parlement a ainsi dû voter une modification du code électoral qui a été soumise au Conseil Constitutionnel.
En revanche en soit le projet est assez facile à comprendre : il s’agit de mettre en place un mécanisme permettant aux électeurs de désigner leurs conseillers départementaux et régionaux depuis leur domicile – donc sans avoir à sortir de chez eux pour se rendre aux urnes – ce qui permet de réduire les risques de transmettre une des nouvelles souches du covid-19 apparues ces dernières mois.
Les premières réflexions remontent Mars 2020 juste après le report du second tour des élections municipales. C’est à cette date que nous avons entamé les premières réflexions en nous inspirant de la procédure de vote par voie électronique prévue par le code électoral depuis 2009 pour les Français établis hors de France.
Quelle est l’échelle de ce projet ? Est-ce tous les départements et régions sont concernés ?
Nous avons décidé de restreindre le déploiement aux zones les plus touchées par l’épidémie, c’est-à-dire celles qui ont été placées en confinement stricte par le gouvernement. Cela devrait donc concerner environ 12% du corps électoral soit 6 millions d’électeurs. Notre objectif est de tirer des leçons avant de le généraliser lors de l’élection présidentiel de 2022.
Nous sommes en avril 2021, les élections sont donc dans 1 mois. Où en êtes-vous ?
L’échéance arrive à grand pas, merci de me le rappeler. La pression est importante. Toutes les équipes du ministère sont mobilisées pour réussir à tenir les délais. Je leur suis très reconnaissant des efforts dont ils font preuve et les félicite grandement pour les résultats auxquels ils sont arrivés en devant en parallèle s’adapter aux spécificités du travail à distance. Je remercie aussi les autres structures impliquées dans le projet comme l’INSEE, l’ANSSI, le secrétariat d’état au numérique et les exécutifs locaux.
Cela dit nous arrivons au bout du projet. Les derniers bugs sont en train d’être corrigés. Les tests de sécurité ont été effectués. Les derniers arbitrages sont en train d’être fait par le gouvernement. Les électeurs concernés recevront un livret expliquant la procédure dans les jours qui viennent. Celui-ci sera déposé dans leur boite aux lettres. Et la délégation à l’information et à la communication du ministère de l’Intérieur finalise la conception d’un site internet qui devrait être rapidement mis en ligne.
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En parlant de procédure, pouvez-vous nous expliquer comment cela va se passer ? Est-ce qu’il y aura une « carte électorale numérique » ?
Nous avons conçu le processus pour que celui-ci soit le plus simple possible.
La première étape est celle de l’identification et de la vérification. Le citoyen se connecte au site internet. Il est authentifié grâce à une solution développée par La Poste puis le système interroge le répertoire électoral unique géré par l’INSEE pour vérifier que cette personne est inscrite sur les listes électorales.
Lors de la deuxième étape, on vérifie au moyen d’un dispositif électronique car l’électeur ou l’électrice est seul dans la pièce.
La troisième est celle du vote proprement dit, de son anonymisation et de son enregistrement.
La dernière est une étape de confirmation informant le votant que le processus s’est déroulé correctement et qu’il peut se déconnecter. En cas de problème c’est à ce moment que l’internaute pourra récupérer un document attestant d’un problème technique.
Qu’en est-il du respect des grands principes électoraux : transparence des élections, secret du vote…pour n’en citer que quelques-uns ? Car on peut imaginer que dans certaines familles des pressions soient exercées pour influencer le vote.
Tout à fait. Concernant le secret du vote, comme je vous le disais nous avons conçu un dispositif électronique qui va vérifier, au moyen d’un appareil photo grand angle et de l’intelligence artificielle, que l’électeur ou l’électrice se trouve seul dans la pièce au moment où il procède à son vote. Tant que cette condition n’est pas remplie, la personne ne peut pas voter. Ce dispositif est gratuit et distribué par la Poste.
Par rapport au principe de transparence, l’utilisation de la technologie Blockchain permettra à qui le souhaite de vérifier l’honnêteté et la précision du processus.
Et qu’avez-vous prévu pour les électeurs qui ont du mal avec l’utilisation des nouvelles technologies ou qui ne sont pas équipés ? Car les confinements successifs ont montré que la fracture numérique était une réalité.
Comme je vous le disais, une des briques clés du processus est la vérification de l’identité de l’électeur au moyen de la solution d’identité numérique développée il y a plus d’un an maintenant par le groupe La Poste.
Nous avons choisi cette solution, d’une part car cette entreprise est la propriété de l’Etat français, d’autre part car la solution a été expertisée par l’ANSSI et a obtenu le niveau de sécurité nécessaire – c’est important de le signaler à vos lecteurs – et enfin car le processus de création d’une identité numérique fait intervenir un facteur qui va vérifier votre identité. Nous avons donc convenu avec la direction de La Poste qu’à cette étape le postier vérifiera également si vous êtes suffisamment à l’aise et que vous possédez les équipements vous permettant de voter électroniquement. Si cela n’est pas le cas alors un postier dûment assermenté et équipé viendra à votre domicile pour que vous puissiez voter. Compte-tenu du risque de contamination, celui-ci portera des équipements de protection individuelle.
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Comme vous pouvez le constater, nous faisons tout pour que tous les électeurs qui le souhaitent puissent voter. Et c’est pour cette raison qu’exceptionnellement, dans le cadre de ce première, le bureau de vote virtuel sera ouvert la veille. Ainsi les électeurs pourront voter par voie électronique le samedi de 08h à 18h. Ce qui permettra à un électeur, ayant rencontré une difficulté technique et n’ayant pu choisir son candidat, de se rendre le lendemain dans son bureau de vote pour utiliser la procédure habituelle. Les assesseurs auront un outil leur permettant de procéder à un contrôler d’éliminer toute fraude.
J’insiste toutefois sur le fait qu’il s’agit d’une procédure dégradée qui met des vies en danger. Notre objectif est de limiter au maximum les déplacements dans les départements et régions concernées pour éviter la dispersion du virus.
Certains commentateurs et représentants politiques crient au scandale.
Certains tiennent effectivement un discours visant à démontrer que le gouvernement cherche à manipuler le résultat des élections par ce moyen. D’autres que cela vise à créer un outil de surveillance de masse. C’est bien sûr complètement faux.
En effet nous utilisons la technologie blockchain pour enregistrer les votes et comme vous le savez certainement la blockchain est transparente, distribuée et cryptée. Le registre qui contient les votes est inviolable. Aucun service de l’Etat ne peut donc modifier les données.
D’ailleurs la direction juridique du ministère réfléchit à l’intérêt de porter plainte contre Russia Today et Sputnik pour diffusion de fausses informations sur la base de la décision du Conseil Constitutionnel de décembre 2020.
Et pourquoi utiliser une solution proposée par un acteur privé alors que la carte nationale d’identité numérique devait arriver en 2021 ?
La carte nationale d’identité numérique était la solution que nous comptions utiliser pour attester de l’identité de l’électeur. Il y a d’ailleurs eu plusieurs réunions de coordination entre les deux équipes pour faire coïncider les plannings. Cependant des difficultés imprévues ont allongé les délais de développement de la carte nationale d’identité numérique. Et nous n’aurions pas été en mesure de réaliser tous les tests d’ici les élections. Par conséquent nous avons choisi d’utiliser une solution robuste, connue des services de l’Etat, validée par les autorités compétentes et développer par un acteur de confiance.
Très bien merci Mr POMMARD de nous avoir parlé de ce projet innovant qui est une révolution en France.
NOTE DU REDACTEUR
Fictional-Content est une agence de communication spécialisée dans le storytelling. Nous écrivons des fictions inspirées de faits réels.
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