Olivier a été invité par la rédaction de Nekomix (www.nekomix.com) à analyser les scénario des BD du numéro 10 du fanzine. Il en a résulté la production de 9 textes de journalisme prospectiviste, tous illustrés avec talents.
Ces textes essayent de traiter des questions et des njeux autour de la transmission de la connaissance à l’épreuve du temps long, de certaines étapes vers la conquête de l’espace et les voyages dans le système solaire, de la virtualité, des prothèses biomécaniques, l’usages que l’on pourrait faire des déchets que produisent l’humanité, l'(in)évitable concurrence entre humains et IA, notre rapport à la réalité au travers des outils que nous offre la technologie et le choc de la physique quantique…
Bon voyage dans ce premier texte et merci à Souky pour sa très belle illustration (soukyblog.com) !
Alphabet latin, cyrillique, idéogrammes, écritures alphasyllabaires, codes binaires, langages analogiques, mathématiques, informatiques… tous les moyens de conserver et de transmettre une connaissance dépendent avant tout de la compréhension des moyens mis en œuvre. Si bien que tous les langages humains ne sont pas systématiquement compréhensibles par les générations qui les suivent… surtout si aucune pierre de Rosette n’ai fournie. C’est ainsi que le linéaire A, l’écriture de la Crète antique, reste-t-il indéchiffrable. Cette écriture fait partie d’une vingtaines de langages qui, les plus anciennes datant de l’âge de bronze, résistent à toute tentative de déchiffrement.
Ces portes qui restent closes. Elles privent sûrement l’humanité de quelques trésors littéraires ou historiques antiques… mais, vraisemblablement, rien d’essentiel, en termes de connaissance. Cependant, au début du XXIe siècle, plusieurs pays, dont la France, se sont posés la question de la transmission d’une information au delà de la barrière du temps et du langage. Il s’agissait de prévenir les générations à venir que tel ou tel site est dangereux du fait d’une radioactivité environnante, à la suite de l’enterrement de déchets nucléaires qui resteront dangereux pendant des siècles, pour ceux d’entre eux dont la radioactivité baisse la plus vite, ou des millions d’années pour les déchets les plus lents à se dégrader.
Et se repose la question de la pierre de Rosette, la question de la clé qui ouvre la porte de la compréhension, une clé qui doit demeurer universelle à l’échelle de millénaires, au cas où notre civilisation s’effondrait, au cas où la continuité de la connaissance était rompue…
Habituellement, il est admis que d’une donnée, on peut obtenir une information qui peut ouvrir à une connaissance, elle-même pouvant porter elle les ferments de… la sagesse ? De données (17/12/2068, 17:23, 14°C, Lyon), on passe à l’information (le 12 décembre 2068, il faisait 4° Celcius à Lyon) puis vient la connaissance (cette température est particulièrement élevée en cette période, quoique habituelle depuis les trois dernières décennies). A chacun de tirer de cette connaissance la sagesse à mettre en œuvre…
Alors, si un jour la culture humaine évoluait de manière à ne plus comprendre les messages que notre temps aurait tenté de lui adresser, comment s’assurer d’être toujours compréhensibles ? On pourrait graver de la pierre. Afin que ces instructions restent lisibles pendants des milliers d’années, les lettres devraient mesurer une dizaine de centimètres de hauteur, sur plusieurs centimètres de profondeur. Un peu compliqué pour laisser instructions et table de décryptage, la pierre de Rosette temporelle que notre présent adresserait à l’avenir. Cette solution implique aussi que dans cet avenir l’humanité maîtrise toujours l’écriture, ce qui ne pourrait plus être le cas dans l’éventualité d’un effondrement civilisationnel aux causes multiples (réchauffement climatique débridé, chute d’une météorite…). A moins d’utiliser la superstition comme langage universel…
Et si Gaïa, la planète-mère, le culte qui rencontre le plus d’adeptes dans notre monde perturbé par des dérèglements climatiques aux manifestations de plus en plus violente, si Gaïa, donc, trouvait le moyen de s’adresser aux humains au moyen des animaux, ses intermédiaires auprès de l’humanité ? C’est le projet un peu fou d’un groupe de chercheurs qui, sur la base d’une idée développée dans les années 1980, se proposent de développer un virus aviaire (qui ne peut être contracté que par les oiseaux) qui ajouteraient au patrimoine génétique des oiseaux la capacité de devenir fluorescent en présence de radioactivité.
Le virus pourrait subsister dans le monde animal, se réactivant quand la présence de la mutation s’affaiblit dans la population aviaire… Dès aujourd’hui, une telle utilité apparaît pertinente pour nombre de nos contemporains qui vivent dans l’angoisse du risque radioactif bien que le nombre de centrale nucléaires civiles n’ait jamais été aussi bas… le culte à Gaïa, la superstition trouverait là un terreau fertile pour s’inscrire dans les mythes qui survivent à la culture et à la tradition. Il existe nombre d’exemples de cette transmission d’un interdit. C’est entre autres l’interdit de la consommation de la viande porcine pour les musulmans et les juifs. C’est une survivance du danger que représentait, pour des nomades des pays chauds, voilà quelques milliers d’années, cette viande sur laquelle se développe facilement un parasite, les trichines, mortels pour l’homme.
Mais comment fait-on si le message s’avère plus complexe ? La plaque de Pioneer remplira-t-elle son œuvre si des extraterrestres tombent un jour dessus ?
Les autres textes rédigés pour Nekomix :
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