Ils sont de plus en plus nombreux. Ils sont de plus en plus visibles. Ils dérangent de plus en plus, pourtant les « trans » sont notre futur. Ils sont la génération des Sexamorphoses !

Les nouvelles générations transgenres ne se considèrent ni homme, ni femme mais incarnent une identité protéiforme qui s’accorde avec tous les genres sans exclusives. Nous sommes en train de devenir une humanité aux ADN métissés, aux genres plus ou moins déterminés mais de plus en plus conditionnés par nos modes de vie et nos comportements sexuels. « Ma motivation n’est pas de devenir une femme. Mais de ne surtout pas devenir un homme.« , déclare l’un d’entre-eux. Être trans, comme transgressif, pourrait être la réponse de ces personnalités qui naviguent dans le genre humain pour des raisons ludiques ou pour se revendiquer dans un genre particulier. En fait ce sont des Sexamorphoses[1] car ils se métamorphosent au gré de leur maturité, capables d’adopter un genre de façon éphémère. Ils se définissent comme des individus en transition entre plusieurs genres et se disent « transgenres ». Ils sont, mais le savent-ils, les précurseurs des immenses transformations à venir de l’humanité. Les Sexamorphoses quels que soient les cheminements dans la découverte de leur genre sont les futurs habitants de la Terre. Les soubresauts dus à la découverte de leur corps, de leur genre, de leurs goûts accoucheront à terme d’une humanité dont les ADN auront été transformés par nos modes de vie. D’ici à la fin du siècle sans doute verrons-nous l’un de ces Sexamorphoses accoucher d’un enfant.

La génération des Sexamorphoses reste encore considérée comme porteuse d’anomalies génétiques à corriger plutôt qu’à accompagner. La nature d’un enfant intersexe au nom barbare de DSD pour disorders of sex development (« troubles du développement sexuel ») ne corres­pond ni à la définition type d’un homme ni à celle d’une femme et cela ne se voit pas forcément à la naissance. « Rien ne permet de dire : voici précisément un homme et une femme », affirmait la généticienne suisse Ariane Giacobino en 2022. La lente émergence des générations transgenres contribue à brouiller les identités sexuelles. L’idée de « fluidité de genre » ou sexomorphisme, tente de s’affranchir d’un monde où être qualifié LGBT[2] ou encore LGBTQIA n’est jamais qu’une autre façon de se voir cataloguer dans un « genre ». Déjà pour Alfred Charles Kinsey, il n’y pas trois orientations sexuelles (homosexualité, bisexualité et hétérosexualité) mais une « échelle » de la sexualité bien plus nuancée ce qui ne va pas sans dynamiter les valeurs traditionnelles[3].

Inconnus à la fin du siècle dernier sinon pour être martyrisés y compris dans leur chair, les transgenres sont évalués à un environ un pour 500 personnes. Ce qui ferait un total de 132.000 Français et 1,5 millions d’Européens. Il existerait environ 3% de personnes intersexuées, c’est-à-dire des personnes qui présentent des variations du développement génital. Ce ne sont pas des pathologies, mais des variations des organes génitaux par rapport aux normes masculines et féminines. A leur naissance les parents ne sont guère enclins à désigner leur rejeton sous la mention « sexe indéterminé ». Chelsea Manning, l’analyste du renseignement de l’armée américaine condamnée à une peine d’emprisonnement, s’est révélée femme à 29 ans. On peut imaginer le mal être d’individus vivant dans un corps qui ne serait pas « en phase » avec leur personnalité réelle. La lutte contre ces « déviances » aura parfois justifié des thérapies cruelles aujourd’hui interdites dans la plupart des pays.

Capables de se sentir officiellement LGBTQIA+, et ayant toutes les apparences d’un citoyen lambda, les Sexamorphoses refusent de se laisser enfermer dans le cliché selon lequel ils seraient un homme qui devient femme et inversement ou de se réclamer d’un autre genre, mais souhaitent incarner une personnalité sexuellement et socialement distincte. D’ailleurs, la plupart refusent le cliché d’une sorte de perversion sexuelle qui irait de pair avec un genre et des pratiques transgressives. En d’autres termes les Sexamorphoses se considèrent capables d’avoir une attirance sexuelle, amoureuse, sensuelle, romantique ou spirituelle pour d’autres personnes, sans considération de leur sexe biologique, de leur expression de genre ou de leur orientation sexuelle. Pour ces Sexamorphoses, une relation hétérosexuelle chez une femme ne signifie pas qu’elle s’intéresse exclusivement aux hommes, même constat pour un garçon qui acceptera une relation avec un autre homme sans pour autant se considérer comme homosexuel. On s’y perdrait entre ces personnalités qui ne se définissent pas elles-mêmes comme « Homos » ou « Lesbiennes » et encore moins comme transgenres : elles se veulent tout cela à la fois. Voilà pourquoi ces « Sexamorphoses » ne cessent de croître dans nos sociétés. Généralement le Sexamorphiste souhaite maitriser l’évolution de son corps, utilisant si nécessaire des hormones et autres procédés pour signaler et caractériser son identité sexuelle. Ce qui est nouveau c’est que ces pratiques quasi confidentielles dans les années 50 sont aujourd’hui plus visibles et même revendiquées parfois de façon provocante : il s’agit d’afficher sa volonté de disposer de son corps.

Beaucoup de parents, de médecins, de responsables politiques prêtent maintenant attention à ce phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur. Les cas de brimades ont beaucoup diminué mais, selon The Trevor Project, une organisation de prévention du suicide et d’assistance pour les jeunes transgenres, les années 2020-2030 ont été des années record pour la législation anti-LGBTQ. Mais les choses bougent. En Californie les détenus transgenres peuvent choisir une prison en fonction de leur identité de genre.  Au nom de l’égalité entre les sexes, plusieurs écoles suédoises ont décidé de bannir toute référence masculine ou féminine. Ces établissements, touchés par les détresses de certains enfants dits « transgenres » refusent d’inculquer aux enfants toute notion de différenciation entre les sexes, afin de favoriser l’égalité entre les genres.  Les pronoms « lui » et « elle » sont bannis au profit d’un pronom neutre, utilisé dans le pays depuis quelques années seulement. La nouveauté c’est que les personnes LGBTQIA+, sont de plus en plus nombreuses, visibles et même défendues par un plus grand nombre. Si certains se transforment en femme le temps d’une soirée, d’autres au contraire ne savent plus se sentir bien dans leur tête autrement qu’en s’affichant définitivement femme : elles le sont dans leur tête, elles veulent l’être dans leur vie sociale. Les observateurs décrivent un phénomène qui semble davantage tenir du questionnement identitaire que d’une simple histoire de curiosité sexuelle. Chose importante cela n’a rien à voir avec une supposée perversion sexuelle. Au contraire, cette vision « orientée » les fait souffrir.

Le célèbre entomologiste Jean Henri Fabre (1823- 1915) conservateur du Musée d’histoire naturelle à Paris donnait des cours gratuits d’histoire naturelle. Il fut congédié pour avoir enseigné la fécondation des fleurs à des jeunes filles. Aujourd’hui cela prête à sourire. Pas sûr que ce sera également le cas pour mon pronostic. Un enfant sur 200 naît déjà avec un sexe à la fois mâle et femelle, avancent des experts[4]. Et ce nombre augmente depuis des décennies. C’est un record. Selon une étude de l’institut de sondage américain Gallup réalisée en 2021, quelque 7,1% des Américain-es s’identifient comme LGBTQI+, un chiffre en hausse de 5,6% par rapport à l’année précédente. L’enquête, menée auprès de 12.000 personnes de plus de 18 ans, montre que les jeunes se définissent plus massivement comme LGBTQI+ que leurs aînés, l’identification à la bisexualité étant la plus courante. A la fin de ce siècle, les « Sexamorphoses » seront devenus le signal fort d’une mutation à venir des populations humaines, que cela plaise, ou non.

Denis Ettighoffer – Chicago juin 2055

 

[1] Sexamorphose, terme proposé par l’auteur, en mars 2022 à l’occasion de la rédaction d’une contribution sur les évolutions des pratiques et des genres sexuels

[2] De LGBT, ou LGBTQIA+, sont des sigles utilisés pour qualifier les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queers, intersexes et asexuelles, c’est-à-dire pour désigner des personnes non hétérosexuelles, non cisgenres ou non dyadiques.

[3] L’Echelle de Kinsey s’étale ainsi de 0 à 6 – 0 correspondant à une sexualité exclusivement hétérosexuelle.

[4] https://fr.chatelaine.com/societe/intersexualite-un-phenomene-meconnu-mais-repandu/

27 juin 2022