Tableau de Carol Galand
Une série de 13 chroniques sur la médecine du futur.
A suivre tous les vendredis.
Avec les objets connectés, le gens se regardaient, s’auscultaient se mesuraient, se programmaient, se comparaient aux normes proposées, imposées, établies par les géants de l’Internet des objets connectés.
Mais si on pouvait rire de certaines applications, certaines étaient utiles, parfois vitales. Comme par exemple ce porteur d’une prothèse cardiaque ou d’un pacemaker équipé d’un système de surveillance connecté à un centre d’intervention d’urgence, ou ce régulateur permettant de mesurer et d’ajuster automatiquement et en permanence le taux d’insuline. Qui refuserait un système de surveillance pouvant anticiper un AVC, une crise cardiaque, une thrombose, une crise d’asthme ? Et si, avec des nanorobots connectés au bracelet, il devenait possible de détecter facilement les marqueurs tumoraux, qui refuserait d’être en mesure de déceler les premiers signes d’une maladie grave, d’un cancer ?
C’était justement ce qui faisait la force de ce nouveau monde connecté, parfois et même souvent stupide, totalement débilitant, mais d’autres fois, vital, un monde de technologie qui permettait enfin à certains de vivre à peu près normalement au quotidien. Mais, peu à peu, chacun s’était laissé convaincre qu’il était un malade potentiel, qu’il fallait surveiller, mesurer, contrôler, analyser, tout, absolument tout, en permanence.
Oui, la médecine faisait des progrès formidables, mais à la moindre alerte, au plus petit signal de son smartphone, on se précipitait sur Internet pour savoir, comprendre, analyser ces symptômes nouveaux. Insidieusement, sans en avoir l’air, une véritable phobie de la maladie avait envahi le quotidien, chacun se demandait s’il faisait vraiment le maximum pour protéger sa santé et celle des siens, si on ne pouvait pas faire encore mieux, aller encore plus loin, on cherchait à gagner de l’espérance de vie, du bien-être, on traquait la maladie, le moindre symptôme, on cherchait pour sa santé, si fort, avec tant de soin, à s’en rendre malade.
Meilleur suivi de la population, collecte d’éléments essentiels pour les statistiques, anticipation des pathologies et donc réduction des coûts de traitement. Comment le Ministère de la Santé aurait-il pu rester indifférent à tant d’avantages ?
Le 22 mai 2032, la Sécurité Sociale recommandait l’utilisation de bracelets connectés. Il ne s’agissait pas d’une obligation mais d’une incitation. Pour le moment.
Et la suite, docteur ?
Ce que l’on a pu observer avec la crise récente du Covid-19, que ce soit dans notre beau pays ou à l’Etranger nous a tout de même montré que nous ne sommes pas totalement à l’abri de certaines réactions extrêmes, de peurs irrationnelles ou même de politiques hygiénistes. Car, bien utilisés, on ne peut pas nier que ces outils peuvent apporter quelques avantages, en échange de quelques contraintes. Mais quelle est la frontière entre la « bonne utilisation » et l’excès ?
Le scénario dans lequel la Sécurité Sociale recommande le port d’un bracelet connecté est peu probable, en France. Mais on ne peut pas totalement l’écarter, on l’a bien vu avec l’application Stop Covid. Si une mesure de santé publique peut être utile, elle sera forcément évaluée à la lumière de la culture du pays, de son attachement aux libertés individuelles, et de son impact sur la santé et le budget du pays.
Mais pour l’instant, on peut se poser la question de savoir qui profite de ces données, et surtout, qui est en droit de les détenir. Peut-on accepter qu’elles soient mises dans les mains d’entreprises privées, comme c’est actuellement le cas ? En tant que garante de notre système de santé, la Sécurité Sociale pourrait-elle les réclamer ? Après tout, ne serait-ce pas légitime, utile et même indispensable pour établir un véritable plan Santé ?
Textes extraits et adaptés par Jean-Pierre Galand du livre du même auteur
« Cette délicieuse odeur de pain grillé, 2084, cauchemar technologique ? »
Actuellement en souscription sur Ulule du 15/09 au 31/10/2020.
https://fr.ulule.com/une-delicieuse-odeur-de-pain-grille
CALENDRIER
1 | INJECTION | 22 mai 2024 – l’IA contre le cancer | 6/09/2020 |
2 | DISRUPTION |
Septembre 2026 – de l’ADN et du prédictif au rabais |
11/09/2020 |
3 | CONNEXION |
Novembre 2029 – lorsque l’on préfère assurer les gens en bonne santé |
18/09/2020 |
4 | OBSESSION |
22 mai 2032 – la Sécu recommande le port d’un bracelet connecté |
25/09/2020 |
5 | CONGESTION |
2035 – La pré-consultation médicale en ligne devient incontournable |
2/10/2020 |
6 | VIOLATION |
21 juin 2037 : le génome, objet commercial ? |
9/10/2020 |
7 | REGENERATION |
2040 – pour 80 000 $, le droit à vivre un peu plus encore |
16/10/2020 |
8 | OBLIGATION |
2040 – lorsque l’analyse ADN sera incontournable |
23/10/2024 |
9 | SELECTION |
2048 – du préventif à l’eugénisme |
30/10/2020 |
10 | AMELIORATION |
2050 – le « droit au bonheur » |
6/11/2020 |
11 | AUGMENTATION |
2060 * mille fois plus intelligent |
13/11/2020 |
12 | DESTRUCTION |
2080 – tel un Deus ex machina |
20/11/2020 |
13 | HOLD-UP |
2020 – un mauvais rêve ? |
27/11/2020 |