RENAISSANCE ou « La ville révélatrice de nos projets de société ? »
Deux ou trois choses que « RENAISSANCE », le film de Christian Volckman, nous dit sur demain… 
« Dis-moi quel film tu regardes, je te dirai quel avenir tu te prépares », parole de prospectiviste !
Avec

Réalisation : Christian Volckman
Scénario : Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte
Production/Distribution : Onyx Films, MillimagesFrance 2 Cinéma, Timefirm Limited et Pathé (Distribution)
Durée : 105 min.
Année : 2006


 

Renaissance, le film de Christian Volckman, est un film d’anticipation étonnant à plusieurs égards : d’une part, c’est un film d’animation en 3D qui fait le choix d’un procédé graphique radical, celui d’un rendu en noir et blanc qui ne laisse guère de place aux nuances de gris. Ensuite, la ville de Paris y tient une place prépondérante ; on pourrait même dire que Paris est un des protagonistes du film. Enfin cette même ville se présente sous la forme d’une prospective d’elle-même. Pour finir, l’intrigue — une conspiration liée à un soin génétique — prend la forme d’une enquête sur le mode des films policiers des années soixante.

Le point commun à l’ensemble de ces particularités est la notion d’apparence : l’apparence de l’image en aplats noirs et blancs qui dramatise les décors urbains et les corps humains, l’apparence d’une jeunesse immuable qui fait l’objet d’un fructueux marché de la cosmétique et qui pourrait être encore mieux maintenue grâce à des soins génétiques et l’apparence d’une ville tentaculaire où cohabitent ancien et moderne, quasi ruines et haute technologie architecturale, pauvreté et richesse…

Dans des atmosphères qui rappellent le film Blade Runner de Ridley Scott (1982) ou bien Brazil, celui de Terry Gilliam (1985), la question qui est posée — le moteur de l’intrigue du film — est de savoir si l’immortalité génériquement accessible est un bien ou un danger pour l’humanité. Cette question est d’autant plus essentielle quand on apprend que cette quête initiée pour une juste cause, soigner une terrible maladie, la progéria, est en définitive menée et détournée à des fins mercantiles par une entreprise privée de cosmétique, Avalon. Celle-ci, dans l’avenir du film, construit sa renommée sur la commercialisation de produits et de soins au service du contrôle de l’apparence de la personne. 

Là, comme dans une série noire, le méchant est bien méchant. Il est servi par une armée de sbires dévoués et, au cœur d’un quartier de La Défense dont rien ne subsiste d’aujourd’hui mais qu’on localise néanmoins par la silhouette de l’horizon où se projettent la colline du Sacré-Cœur assaillie par un urbanisme qui semble débridé, Tour Eiffel prise d’assaut par les panneaux publicitaires et les lofts high-tech sur verins  et autre Panthéon, il semble dominer le déroulement du film du haut de sa tour de très haute technologie. Quant au héros, torturé comme tout héros de film policier qui se respecte, il navigue, avec d’autres personnages, entre gris clair et gris foncé… cette réalité sera le prix d’un amour qui se révélera impossible. Soit. On est dans une série noire !

Reste à évoquer Paris. 

Or, dès le début du film, on sait qu’on est en 2054. donc, dans une trentaine d’années à compter du moment où cette analyse est rédigée. Là, on reconnaît bien la capitale de la France : on croise la Seine et ses quais — le niveau de l’eau semble y être particulièrement bas —, Notre-Dame, son parvis et sa flèche, le métro et les voûtes de ses quais couverts de faïence, le quartier de La Défense ainsi que d’autres qui pourraient se situer dans les XVIII, XIX ou XXe arrondissements, des quartiers dans lesquels aucuns travaux d’aménagement, de réhabilitation, de modernisation n’auraient été menés. D’autres lieux sont plus difficilement identifiables : ils tiennent d’un univers, d’une esthétique steampunk, avec d’immenses bâtisses à la Eiffel, tellement imposantes qu’on ne sait où les  placer sur le plan de Paris. Là, cohabitent humidité, précarité, briques et poutres d’acier rivetées. Comme si le film Steamboy avait prêté quelques-uns de ses décors à Renaissance !

C’est dans cette diversité des lieux et des ambiances que réside tout l’intérêt du film Renaissance ! Au sein d’une intrigue qui interroge notre rapport au corps, qui interroge notre rapport à la beauté et à l’apparence, qui interroge notre rapport à notre nature qui reste soumise à des lois biologique dont nous avons la tentation de nous affranchir, la ville de Paris, tout en portant l’action, est un protagoniste à part entière de l’intrigue dans la mesure où les multiples facettes sous lesquelles elle se présente au spectateur sont à l’image des interrogations des protagonistes humains : dans la quête de la jeunesse éternelle, dans la quête d’un éventuel affranchissement de la nature biologique à l’égard des lois de l’évolution, laissera-t-on la place à la différence ? Mais, ces soins tant espérés s’appliqueront-ils à tous les membres de la société humaine ? Et, la modernité imposera-t-elle au réel ses règles et ses comportements ?

Paris, telle qu’elle se présente tout au long du film, semble en tout cas militer en faveur d’une réalité qui laisserait la place à des formes de pluralité… à moins que les disparités constatées entre ses différents quartiers ne fassent le constat d’une injustice elle-même constatée au présent et qui perdurerait dans l’avenir… Tout comme se trouve exacerbée la violence provoquée par les aspirations transhumanistes qui émergent de la quête d’un soin de cosmétique qui tient de la corne d’abondance génétique.

Toujours dans cette Paris du futur, on peut aussi se pencher sur la place qu’y tient la voiture : elle semble nous dire plus que l’anachronisme qu’elle semble représenter dans cet avenir.

A cette fin, il faut commencer par rappeler que la voiture est indissociable de la ville telle que nous la connaissons : l’expansion de la ville moderne n’a pu se faire que parce que ces véhicules individuels étaient accessibles à ses habitants en grand nombre. de son côté, le marché de l’automobile ne s’est développé que parce que la ville offrait nécessité et superflue à l’usage de cette même voiture. C’est donc une inextricable histoire de poule et d’œuf… 

Ensuite, même si le film Renaissance date de 2006, à cette époque, les scientifiques et autres membres du GIEC tentaient d’attirer l’attention des opinions publiques comme celles des décideurs économiques et politiques sur la question climatique — on avait du mal, à cette époque, à parler d’urgence — depuis un certain nombre d’années, depuis 1988 dans le cas du GIEC. En tout cas, la voiture était bien identifiée comme symbole de la société de la consommation, de la profusion et du refus d’admettre que les activités des humains pouvaient avoir des impacts sur un environnement immédiat — la santé des utilisateurs et leurs proches — comme lointain mais global — l’écologie et le climat. Aujourd’hui, la voiture est toujours dans nos rues. Elle s’essaye à des mutations : pour devenir vertueuse, elle se fait électrique, demain, elle fonctionnera à l’hydrogène… Elle semble tout faire pour ne pas disparaître alors que les nouveaux modèles de développement écologique préféraient voir les mobilités douces et collectives monter en puissance. Dans cette perspective, la voiture, après-demain, se fera peut-être objet de consommation partagé, en service au sein d’essaims, à la disposition des usagers abonnés à différents services privés ou publics. 

En tout cas, quand on la regarde, cette voiture, dans Renaissance, elle n’a rien de la représentante d’une mobilité douce : puissante, violente, envahissante… même si, en centre ville, elle circule sur des voies couvertes au plafond de verre, plus loin, au pied de La Défense, des échangeurs autoroutiers sans commune mesure se déploient dans toutes les directions. Est-ce à dire que demain, malgré toutes nos bonnes intentions, nos comportements, nos modes de vie n’auront pas réussi à se réformer pour répondre aux attentes, aux exigences, aux injonctions de l’écologie ? À moins de déclarer que l’écologie anthropo-urbaine se suffit à elle-même et est sa propre justification et nécessité. C’est ce que semble dire le film Renaissance dans lequel le végétal, le vivant non humain et le sauvage n’ont guère de place si ce n’est dans les mondes virtuels… en d’autres termes, Renaissance semble aussi dire que la catastrophe écologique peut être amortie, voire ignorée grâce à un solutionnisme technocentré… Mais, une telle attitude est-elle raisonnable ? 

Plus que jamais, les études montrent comment l’humanité est dépendante de son environnement. Plus le temps passe, plus l’humanité découvre les liens inextricables qui l’unissent à son environnement. Cela étant d’autant plus vrai quand on décolle son nez de ses seules attentions locales, quand on s’intéresse au global, au planétaire. Ainsi, l’humanité est appelé à poser un choix de civilisation globale, et ce, pas uniquement à l’échelle des pays dits développés : ou bien elle s’organise pour construire un développement en relation avec son environnement — ce choix aura des implications individuelles et collectives et d’autres internationales et industrielles — ou bien elle sera condamnée à s’adapter à un environnement dont elle devra se protéger, donc se couper, pour ne pas subir les manifestations violentes des déséquilibres induits par les activités humaines. Or, plus le temps passe, plus les actes à poser ainsi que leurs conséquences seront radicaux. Le film Renaissance semble avoir fait le choix de l’ignorance ou de l’indifférence. Alors, dans le réel, on fait quoi ?

 


 

Toutes ces analyses sont également rassemblées sur www.sciencefictiologie.fr, site dédié à la science-fiction qui  éclaire le présent, grâce à la plume, le crayon, l’objectif et l’œil des auteurs !

 


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2 oct. 2023