Le monde a traversé ces dernières années des troubles d’une gravité rarement égalée. Les conflits en Europe de l’Est, en Asie-Pacifique et au Moyen-Orient ont provoqué le largage de dizaines de bombes nucléaires qui ont gravement endommagé l’environnement planétaire. Le climat fut encore plus déréglé qu’auparavant, et les phénomènes extrêmes se multiplièrent, causant de nombreuses victimes. Un gigantesque ouragan de plus de 3 000 kilomètres de diamètre fut une des conséquences de la guerre thermonucléaire globale qui a ravagé la planète. Il dévasta la plupart des zones habitées à intervalles irréguliers, causant des dégâts dramatiques. Les vents qui l’accompagnaient pouvaient atteindre 400 km/h, et rien ne semblait pouvoir le résorber à court terme. Les spécialistes estimaient que ce phénomène climatique était une réaction de l’atmosphère visant à s’autoréguler à la suite des explosions radioactives. Ce nettoyage naturel avait toutefois besoin d’un peu d’aide. En effet, les meilleurs experts en climatologie estimaient que l’ouragan Adolf pourrait mettre des décennies, voire des siècles avant de disparaitre. Pire, il pourrait croitre en intensité et détruire ponctuellement récoltes et habitations. Face à ce grave danger pour la stabilité de la civilisation humaine, un consortium de scientifiques a établi qu’il convenait de mettre en place un grand plan de purification de l’atmosphère. Le professeur Delgado a déterminé que le coût de la dépollution s’élèverait à plusieurs billons d’euros. Il convenait en effet de transférer la plupart des industries polluantes sur la Lune ou en orbite, ce qui serait bien entendu imposé aux entreprises responsables de la pollution. Mais la construction de dizaines de milliers de capteurs de dépollution un peu partout sur la planète était aussi nécessaire. Ces machines, inventées par Delgado, ressemblaient à de gigantesques cheminées. L’objectif était de capter la totalité de l’air entourant la Terre en quelques années, de le filtrer, et de le purifier afin qu’il soit à nouveau respirable, mais aussi propice à un climat plus apaisé et favorable à la vie sur Terre. Chaque cheminée coûtait toutefois plus d’un milliard d’euros. Il fallait donc trouver 10 000 milliards de dollars en un temps record afin de financer ces investissements cruciaux pour l’avenir de la planète. Le Président de la République française Innocent Parfait a donc proposé d’instaurer une TVA mondiale de 1% de l’ensemble des échanges économiques. Cette taxe climat pourrait en effet rapporter des sommes considérables. Sachant que le PIB mondial est d’environ 100 000 milliards d’euros, une taxe de 1% rapporterait chaque année 1 000 milliards d’euros et en dix ans suffisamment d’argent pour construire 10 000 appareils de dépollution. La taxe Parfait apparaissait comme une nécessité pour le monde.
L’assemblée des Nations Unies s’est montrée pour la première fois totalement solidaire à l’égard de ce projet, même si certains pays ont regretté que les puissances nucléaires ayant contribué à créer Adolf ne soient pas davantage ponctionnées que les pays ne disposant pas de ces armes. Les États-Unis, la Chine et la Russie, principaux contributeurs du cataclysme, ont ainsi accepté de faire participer leurs citoyens avec une TVA s’élevant à 5% du montant total de leurs échanges économiques. Seule la République Autarcique, située dans l’océan pacifique, a refusé de participer, prétextant qu’elle n’avait jamais été atteinte par Adolf, et qu’elle ne le serait probablement jamais, en raison de la vertu de son peuple assurant la protection de leur divinité céleste. Ce petit État de 2 000 km² fut intégralement pulvérisé par Adolf quelques semaines après le refus de ses représentants de participer à la solidarité mondiale.
Innocent Parfait était un pur produit du système de partage de la valeur français. Il avait créé une entreprise prospère, lui procurant une fortune estimée à 100 milliards d’euros. Toutefois, la loi de régulation de la fortune l’avait contraint à rendre la quasi-intégralité de cette somme à l’État. Ce texte prévoyait en effet qu’au-delà d’un milliard d’euros de patrimoine, la somme était saisie et servait à alimenter le système social, la police, l’armée, l’éducation, la santé et les aides pour lutter contre la pauvreté et le handicap notamment. Toutefois, pour ne pas nuire au libéralisme, et au souhait de créer toujours plus de richesse, une contrepartie avait été accordée aux quelques milliardaires du pays. Ils gagnaient, en échange de la réquisition de leur entreprise par l’État, un siège de ministre à vie. Innocent Parfait était ainsi devenu ministre du climat à 45 ans. Il souhaita rapidement que les 100 milliards qu’il avait accumulés pendant la première partie de sa vie servent à construire des appareils de dépollution un peu partout en France. Comme par miracle, après quelques mois de mise en service, le pays n’avait pas été touché par Adolf. Le peuple en conclut que ces machines fonctionnaient et permettaient effectivement de créer des conditions atmosphériques favorables. L’ingénierie climatique était devenue le cheval de bataille du ministre, qui parvint à convaincre d’autres milliardaires de léguer leur fortune à cette noble cause. Outre la dépollution de l’atmosphère, il mit en place le plan Biosphère, visant à retirer toute la matière plastique se trouvant dans les écosystèmes du pays. Il voyait large, envisageant une extension de cette initiative au niveau planétaire. La République Autarcique étant devenue un no man’s land à la suite du passage de l’ouragan, il proposa d’y créer une montagne de plastique, regroupant la totalité des déchets récoltés par les éboueurs planétaires, le temps de trouver une solution écologique à leur destruction.
Après cinq ans ministre, il finit par se présenter à la Présidentielle. Il fut triomphalement élu. En effet, ses idées dépassaient le cadre du climat. S’il avait fait fortune dans la dépollution des océans, activité dont il était le leader mondial et qui était abondamment financée par les États, il avait aussi su faire preuve de bienveillance à l’égard de ses employés. Il les rémunérait grassement en échange de leur adhésion à un code de conduite. Les salariés devaient en effet faire preuve d’écologisme au quotidien pour accéder à des primes versées par l’entreprise, voire à des promotions internes. Une forme de crédit social écologique assurait la valorisation des travailleurs qui s’adonnaient pendant leur temps libre à des activités favorables à l’environnement. Une charte de tâches propices aux écosystèmes devait aussi être respectée par les employés, sous peine que ces derniers soient sanctionnés. Un système de transport non polluant avait été mis en place, passant chercher chaque employé à son domicile le matin et le ramenant chez lui le soir. Les emplois du temps avaient été établis afin d’optimiser le temps d’attente des transports en commun, afin de les rendre le moins polluants possible.
La taxe Parfait avait été unanimement saluée par la communauté internationale. S’inscrivant dans la logique de la taxe Tobin, mais généralisée à l’ensemble des échanges économiques, elle complétait aussi une taxe carbone qui avait montré ses limites. Véritable arme de dépollution massive de l’arsenal écologique, elle permit en quelques années de financer les appareils de filtrage de l’atmosphère, mais aussi la R&D dans le domaine du développement durable. Des milliers de brevets furent déposés et furent déclarés bien commun de l’humanité. Ils permirent de développer des innovations révolutionnant les modalités de consommation, de transport, et de production. En quelques années, non seulement l’atmosphère fut intégralement dépolluée, mais l’humanité apprit à vivre plus sobrement, dans le respect de son environnement. L’ouragan Adolf devint en quelques mois une grosse tempête, puis le climat reprit son cours normal, les évènements extrêmes devenant bien plus rares.
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